 Photo : portrait de Dutailly
(Cette page a été rédigée par Joël Moris, Directeur de la culture et du patrimoine de la Ville de Chaumont ; mise en page sur le site : Annie Massy.)
Gustave Dutailly a été un botaniste renommé, auteur de nombreux articles et traités, homme de presse et politique engagé. Ses nombreuses collections sont à l’origine de l’identité de Chaumont comme ville de l’affiche et du graphisme.
Sommaire :
I) Jeunesse et formation (1846-1866)
II) La passion de la botanique
III) Une démocratisation de la botanique de Lyon
IV) Un homme de presse
V) Le collectionneur engagé
VI) L’esprit des Lumières
VII) Une passion pour l’affiche
VIII) Du livre à l’affiche : Gustave Dutailly et la comédie humaine
IX) Pour aller plus loin
Lieux haut-marnais associés :
- Meuvy, commune du canton de Clefmont : son lieu de naissance ; une place porte son nom.
- Langres : études secondaires
- Chaumont: Gustave Dutailly a légué ses collections à la ville de Chaumont. Il est ainsi est à l'origine son 'identité comme celle de l'affiche et du graphisme.
- Département : il en fut le député à partir de 1881
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• I) Jeunesse et formation (1846-1866)
Photo : Gustave Dutailly à vingt ans
Gustave Dutailly est né à Meuvy, commune du canton de Clefmont, le 2 août 1846
Trois femmes contribuèrent à son éducation :
Suzanne de Rangecourt, sa grand-mère, suscita son amour de la botanique en lui donnant un petit jardin dont il assura l’entretien.
Zoé Dutailly, sa mère, ancienne élève des dominicaines de Langres, très critique envers les excès des légitimistes, l’éveillera aux sciences historiques, politiques et religieuses.
Adèle Dutailly-Rangecourt, sa tante, lui a transmis le goût de l’art, de la vie parisienne et des voyages à l’étranger.
Gustave Dutailly tient de son père Jean-Baptiste, qui triplera la fortune familiale en vingt ans, un sens aiguisé des affaires.
En 1856, Gustave Dutailly entre dans les classes primaires du collège de Langres ; titulaire du baccalauréat ès-lettres, il enrichira sa formation en suivant les cours de la « section des sciences naturelles ».
Il se montrera un élève brillant, cumulant des prix dans les principales matières littéraires et scientifiques.
En novembre 1866, il s’installe à Paris, y poursuit des études de médecine mais semble plus s’intéresser aux cours de botanique et aux sorties d’herborisation qu’à l’hôpital et il se lie avec le professeur Baillon qui le présente à la Société Linnéenne devant laquelle il a fait un premier exposé en 1870.
Il adhère dès 1866 au cercle catholique mais en 1869, il en prend ses distances et commence à s’éloigner de la religion pour s’engager dans la voie qui fera de lui un républicain radical et athée.
Entre 1874 et 1881, il obtiendra ses principaux mandats politiques qui le conduiront à siéger, en septembre 1881 à l’Assemblée Nationale, dans les rangs du parti radical.
Il abandonnera dès lors une prometteuse carrière universitaire de scientifique pour se consacrer définitivement à la vie politique
(Texte rédigé d’après l’article d’Henri Dutailly, « Gustave Dutailly, 1846-1866, jeunesse et formation », in Gustave Dutailly, les plaisirs d’un collectionneur d’affiches, Le Pythagore, 2006)
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• II) La Passion de la botanique
Photo : thèse de Gustave Dutailly soutenue à Bordeaux en 1879
Gustave Dutailly fut un botaniste de renommée internationale.
Déjà, enfant, il nourrit cette vocation par l’entretien d’un petit jardin que sa grand-mère lui avait donné.
Sa vie durant, il donna libre cours à cette passion en participant à de nombreux congrès, publiant de savants articles, adhérant à de multiples sociétés tout en composant une bibliothèque de botanique de premier choix.
Durant ces études à Paris, il se livra aux recherches de physiologie végétale dans le laboratoire du professeur Baillon dont il fut l’élève préféré et l’un des collaborateurs pour le Dictionnaire de botanique.
Le 22 décembre 1879, il est docteur ès sciences naturelles après avoir soutenu une thèse novatrice intitulée : « sur quelques phénomènes déterminés par l’apparition tardive d’éléments nouveaux dans les tiges et les racines des Dicotylédones »
Parallèlement, il collaborait activement à la rédaction du Bulletin de la Société Linnéenne de Paris dont il fut avec De Lanessan , un des membres les plus assidus.
Mais c’est à Lyon qu’il laissa une empreinte définitive dans l’histoire de la botanique, en devenant en 1880 professeur de botanique à la Faculté des Sciences de Lyon.
A ce titre, il fut nommé Directeur du Jardin botanique du Parc de la Tête d’or, Président de la Société botanique de Lyon et de l’Association horticole lyonnaise.
En 1881, élu député de la Haute-Marne, il abandonna sa chaire, n’en continuant pas moins à publier de nombreux travaux scientifiques étant l’un des plus fidèles membres de l’Association française pour l’avancement des sciences.
Henri Baillon lui a dédié un genre Dutaillyea et une variété de rose prolonge son souvenir la rose Président Dutailly.
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• III) Une démocratisation de la botanique à Lyon
Photo : reproduction d'une page d'album de Dutailly
Indéniablement novatrice, la thèse de Sciences naturelles de Gustave Dutailly appréciée par un jury uniquement composé de chercheurs célèbres, lui a permis d’obtenir, en 1880 la chaire de botanique de la Faculté des Sciences de Lyon.
Le 15 mars 1880, il devient parallèlement, Directeur du Jardin botanique du Parc de la Tête d’Or, fonction majeure, puisque la collection de plantes est l’une des plus riches d’Europe.
Gustave Dutailly a sous sa responsabilité un Conservatoire de botanique, une Ecole des plantes vivantes, un conservatoire de graines, des serres et des terrains.
Le 3 avril 1880, Gustave Dutailly devient membre de la « Commission Consultative du Parc de la Tête d’Or et le 8 novembre 1880, il fait adopter un nouveau règlement pour la réorganisation des services du Parc, « au point de vue scientifique et technique ».
Le 14 mai et le 14 août 1881, il remet deux rapports au Préfet.
Ces rapports soulignent déjà la force de conviction dont Gustave Dutailly fera preuve tout au long de sa carrière politique. L’un met surtout en exergue son enthousiasme pour l’instruction populaire concluant sur le but de ses initiatives : « Je veux, dans les serres, à l’herbier, au jardin, rendre plus accessible à tous l’enseignement par les plantes, le démocratiser, pour employer le terme propre».
Les différents projets de Dutailly ont abouti à une complète réhabilitation du jardin, les serres ont acquis leur forme définitive en 1880 et ses propositions didactiques se sont matérialisées par un guide pédagogique dès 1889.
Il commença également les travaux d’étiquetage des collections botaniques de la ville démontrant ainsi une grande maîtrise dans la rédaction des notices descriptives que l’on retrouve dans la plupart de ses travaux scientifiques.
Texte rédigé d’après l’article : « 1879-1881 : une démocratisation de la botanique à Lyon par Muriel PARDON, bulletin de la Société et des Sciences Naturelles de la Haute-Marne.
SIGNE MORDAX
DUTAILLY, chroniqueur et polémiste
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• IV) Un homme de presse.
Photo : communiqué écrit par Gustave Dutailly, du comité du centenaire de Diderot, mettant à la disposition des souscripteurs de "l'édition du centenaire", un exemplaire relié avec des fers spéciaux.
Il était un grand lecteur de journaux : sa bibliothèque abonde en feuilles quotidiennes ou hebdomadaires, en revues illustrées et caricaturales, en magazines de loisirs ou scientifiques.
Il donnait en même temps des chroniques régulières dans les feuilles républicaines haut-marnaises , «la Gazette des travailleurs », « l’Avant-garde républicaine » ou « le Bulletin mensuel du cercle républicain ».
Pour la « Gazette des travailleurs », journal de tendance radicale et anticléricale qui représentait l’opinion de la masse ouvrière, il rédigea régulièrement ses « lettres politiques », dans lesquelles, il rendait compte de son activité parlementaire et commentait l’actualité politique nationale et internationale et « les lettres indépendantes », série d’articles très documentés et savants sur l’histoire du christianisme dont il remettait en cause la version officielle telle qu’elle apparaît dans la Bible et dans les discours des représentants de la religion catholique.
L’écriture, pour Dutailly est certes, un moyen de traduire sa pensée ; le journal est, bien sûr une tribune où s’exprime le sens d’un engagement politique ; mais par-dessus tout, ils sont le moyen et le lieu d’exercice d’un plaisir de polémiste. Le style de Dutailly est caustique et mordant, souvent violent. Il rédigera ainsi, sous la signature de Mordax, « les attrape-nigauds du catholicisme », une chronique virulente contre le journal « La croix », exacerbant la lutte entre les journaux catholiques et républicains.
La violence des échanges, par journaux interposés, est la conséquence de la liberté et de l’indépendance de la presse enfin acquises où les passions politiques trouvent à s’exprimer aussi vivement que dans la rue.
Les mots, comme les idées, s’affolent, se crispent ou explosent sans retenue, au risque de substituer la polémique au débat.
Texte rédigé d’après l’article de François Roche, SIGNE MORDAX, Dutailly chroniqueur et polémiste in « Gustave Dutailly, les plaisirs d’un collectionneur d’affiches », Le Pythagore, 2006
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• V) Le collectionneur engagé
Gustave Dutailly fut un collectionneur atypique.
Par la variété des pièces rassemblées, la singularité des choix de classement, et l’hétérogénéité des disciplines, la collection Dutailly échappe à toute tentative de catégorisation.
Pourtant de grands ensembles se dégagent ; livres, affiches, petites estampes, presse d’information, revues humoristiques et caricaturales, dossiers documentaires, atlas, albums de reproductions photographiques…
Mais cette immense diversité laisse perplexe et brouille l’image du collectionneur.
Dutailly était-il un esthète, comme le cousin Pons de Balzac ? Un maniaque, comme le Démocède de La Bruyère ? Un spéculateur ? Un documentaliste ?
Il faudrait plutôt voir dans la constitution de la collection les traits d’une personnalité engagée, militante, désireuse d’apparaître un témoin de son temps, de transmettre les valeurs et la culture de son époque, et de permettre à tous d’exploiter les matériaux les plus divers de la connaissance.
Ainsi, Gustave Dutailly accompagna-t-il son action politique, son travail de savant et sa mission de pédagogue
Aujourd’hui, cette collection constitue une banque d’images et de textes unique sur les mœurs et coutumes du 19ème siècle finissant et sur la pensée et les opinions de ce temps.
Gustave Dutailly est au croisement des collectionneurs témoins-pédagogues-militants.
Texte rédigé d’après le texte de Michel Melot, « Le collectionneur engagé », in Gustave Dutailly et les plaisir d’un collectionneur d’affiches, Le Pythagore, 2006
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• VI) L’esprit des lumières
Photo : Couverture de l’ouvrage : _Les Etudiants en Médecine au Tombeau de Rousseau à Ermenonville_ publié à l’occasion du centenaire de Jean-Jacques Rousseau ; Gustave Dutailly faisait partie d’une délégation d’étudiants et a rendu compte de ce pèlerinage dans cet ouvrage.
Républicain engagé, défenseur acharné des valeurs de liberté et de progrès, intellectuel rompu à la démarche scientifique, humaniste attaché à l’égalité des chances, Gustave Dutailly apparaît comme un héritier des lumières.
Comme les encyclopédistes, il était habité par l’exigence de vérité.
« Il me fallait revenir à mes livres, prévoir et comparer derechef, ne rien laisser à la fantaisie ni à la l’imagination, m’efforcer de tirer au clair… », écrivit-il dans la « Gazette des travailleurs ».
Ainsi, soumet-il toute réflexion à la critique et fait-il appel, dans ses publications, à toutes les ressources de son érudition étoffée par les lectures les plus diverses.
Dans cette perspective, pariant sur l’instruction, désireux d’inculquer un savoir et de transmettre un héritage, il constitua une bibliothèque de premier plan ; il élabora ainsi, une forme singulière d’encyclopédie des mœurs de la 3ème République, de la comédie humaine de ce temps d’instabilité du pouvoir
Conservatoire, muséum, centre de documentation, bibliothèque publique ou privée, cabinet de curiosités, le fonds Dutailly répond à toutes les appellations.
Il est le reflet d’une inlassable curiosité et d’une frénétique envie de savoir.
Il est la création d’un être à la pensée originale, complexe et déroutante.
Cependant, au-delà de la confusion et de l’étourdissement qu’induit la consultation de cette collection, se dégagent les traits dominants d’un seul projet, qui, à l’instar de celui de Diderot, entend avant tout « changer la façon commune de penser et se demande toujours « Que serait un homme sans culture ? ».
Texte rédigé d’après l’article de Joël Moris, Gustave Dutailly, pur esprit des lumières, in Gustave Dutailly, les plaisirs d’un collectionneur d’affiches, Le Pythagore, 2006
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• VII) Une passion pour l’affiche
(photo : une des affiches de la collection Dutailly léguée à la ville de Chaumont)
La collection d’affiches léguée à la Ville de Chaumont par Gustave Dutailly représente un véritable âge d’or de l’affiche publicitaire illustrée de la fin du 19ème siècle.
A l’exception de Mucha, les plus grands maîtres y sont représentés : Toulouse-Lautrec, Chéret, Bonnard, Cappiello, Grasset, Willette, Grün, pour ne citer que les plus connus.
Les thèmes de ces affiches révèlent les préoccupations politiques, culturelles et commerciales de cette époque : affiches de librairie, de spectacles, de tourisme, de produits manufacturés, affiches politiques ou sociales.
La constitution de cette collection ne relevait pas du hasard ; Dutailly adopta une véritable stratégie de collectionneur annotant les catalogues de ventes, s’appuyant sur un réseau de marchands (Sagot, Girard ), entretenant des liens avec certains affichistes (Chéret) ou imprimeurs (Appel).
Il constitua ainsi une collection de près de 5000 pièces complétée par des centaines de petites estampes créées, elles aussi par ces maîtres affichistes qui travaillaient pour les entreprises commerciales ou pour la presse (Le courrier français, la vie parisienne, Gil Blas…).
Gustave Dutailly ne s’est jamais exprimé sur l’objet de sa passion pour l’affiche. Répondait-elle à des préoccupations esthétiques ? Collectionnait-il en affichomaniaque compulsif ? Voulait-il faire œuvre de témoin ?
Nous pensons plutôt qu’en les rangeant aux côtés de ses multiples ouvrages, innombrables revues, coupures de presse et autres petites estampes, il imaginait que ses affiches constitueraient en elles-mêmes une source d’information à part entière, au service de ses contemporains comme des générations futures, soucieuses aussi bien des questions d’art que d’histoire.
Il pouvait aussi voir en elles l’une des plus éloquentes manifestations d’un art social, apparaissant comme le vecteur privilégié d’un art pour tous, aux vertus tant décoratives qu’éducatives, susceptible ainsi de concilier les goûts de l’esthète avec l’engagement de l’homme politique.
Texte rédigé d’après l’article de Nicholas-Henri Zmelty, Gustave Dutailly : une passion pour l’affiche, in « Gustave Dutailly, les plaisirs d’un collectionneur d’affiches »
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• VIII) Du livre à l’affiche : Gustave Dutailly et la comédie humaine
(photo : un photo de la collection Dutailly léguée à la ville de Chaumont)
La Bibliothèque de Gustave Dutailly n’est pas celle d’un bibliophile ; le livre n’y est pas sacralisé et la constitution de cet ensemble documentaire ne semble pas avoir fait l’objet d’un projet élaboré.
Elle est à la fois à usage de loisir et à vocation documentaire.
Elle témoigne des centres d’intérêt permanents de Gustave Dutailly, de son inlassable curiosité intellectuelle, de sa vaste culture encyclopédique et de son exigence de vérité.
Surtout, elle traduit le souci permanent d’un lettré et d’un scientifique de ne rien confier au hasard dans l’énoncé des faits et des idées.
Mais, si la botanique, l’histoire religieuse, l’art et la vie politique constituent les domaines d’étude et de réflexion privilégiés du collectionneur, études de mœurs, ouvrages de littérature contemporaine, essais historiques, satires, caricatures, portraits-charges et intimes, documents sur les spectacles témoignent de l’intérêt de Gustave Dutailly pour la sociologie et l’ethnographie.
Il dresse ainsi un tableau de la légèreté des mœurs de son époque : vie parisienne, vie élégante, vie de loisirs et de plaisirs.
L’intérêt de Gustave Dutailly pour les affiches et le document illustré participe de cette curiosité pour l’étude de mœurs : affiches, livres et journaux se complètent alors pour former la chronique illustrée des mœurs, passions et engouements de l’époque. Du livre à l’affiche, de l’affiche aux livres, Dutailly établit des passerelles pour dessiner la comédie humaine de son temps.
Textes et documents illustrés éclairent la personnalité d’un savant qui savait goûter aux plaisirs de l’étude et de l’existence, dans une perspective humaniste.
Texte rédigé d’après l’article d’Anne-Sophie Monglon du livre à l’affiche : Gustave Dutailly et la comédie humaine, in « Gustave Dutailly, les plaisirs d’un collectionneur d’affiches, Le Pythagore, 2006
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• IX) Pour aller plus loin
- La ville de Chaumont organise chaque année aux mois de juin, les rencontres internationales de Arts graphiques : c'est l'occasion de voir plusieurs expositions d'affiches anciennes et contemporaines et bien sûr, de plonger dans l'univers de Gustave Dutailly
- Les "Silos", médiathèque et Maison du Livre et de l'Affiche organise en cours d'années des expositions (voir les dates sur le site de la ville de Chaumont)
- La collection d'affiches de Gustave Dutailly a été mise en ligne (voir lien ci-dessous)
Plus d'information : >> pour feuilleter l'album Dutailly, cliquez ici
>> Pour voir les affiches anciennes de la collection de Chaumont, cliquez ici
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