Arland Marcel (1899-1986)

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(Article écrit par Annie Massy ; photos Philippe Savouret)

I – Lieux associés

II – Biographie :
a) Enfance et formation
b) Un auteur reconnu de son vivant
c) L’attachement à ses racines

III – Son œuvre
a) Courte analyse
b)  Lettres inédites
c) Extraits de son oeuvre parlant de la Haute-Marne

Une œuvre importante (liste)

IV – Pour aller plus loin

 

• I – Lieux associés

I – Varennes-sur-Amance :

      Le nom de _Terre Natale_ (titre d’un livre de l’écrivain) a été donné suite à la fusion de trois communes en 1972 (Varennes-sur-Amance – Chézeaux-sous-Varennes – Champigny-sous-Varennes). (Nota bene : suite à un désaccord, la commune de Champigny a divorcé depuis)
On peut trouver comme traces de Marcel Arland dans son village natal :
– Fonds de la bibliothèque locale et cabinet de lecture avec une grande partie de ses œuvres à la salle éponyme.
– Plaque commémorative apposée sur la façade de sa maison d’enfance au Pâquis, ainsi qu’à l’entrée du cimetière où reposent Marcel et Janine Arland.
– promenades « sur les traces de Marcel Arland » : des visites sont organisées sur place, régulièrement ou à la demande, avec un contemporain de l’écrivain et des lectures d’extraits de l’œuvre (voir l’office de tourisme de Bourbonne-les-bains)

II – Langres :

     Fonds intéressant à la bibliothèque Marcel-Arland (ouvrages et documents manuscrits et autographes).

nota bene : Marcel Arland a été président d’honneur de l’AHME

 

• II Biographie

a) Enfance et formation

      Marcel Arland naît le 5 juillet 1899 à Varennes-sur-Amance, village au sud Est du département et à côté de la station thermale de Bourbonne-les-Bains. Il est issu d’une petite bourgeoisie rurale qui vit cependant sans excès. Le centre généalogique de Haute-Marne (in : Leurs Ancêtres étaient Haut-Marnais ; tome 2 ; pages 9 à 35) lui a trouvé onze générations d’ascendants sur place et dans les communes avoisinantes. Ils étaient laboureurs, manouvriers ou propriétaires vignerons, souvent un peu tout à la fois, selon les saisons. Cependant Marcel Arland évoque la terre et non la vigne détruite par une série de maladies à partir de 1883.
      Son enfance n’est pas très heureuse : mort de son père en 1903 et sa mère le conduit pendant des heures sur sa tombe. L’enfant se sent délaissé et moins aimé que son frère de trois ans son aîné. Il se réfugie dans la nature et les livres où il trouve réconfort.
      Ses études commencent à l’école communale de Varennes sur Amance puis au lycée de Langres. Il obtient son baccalauréat « philosophie » en 1917. Il entre à la Sorbonne, à Paris en 1919 où il obtient sa licence de lettres. Il enseigne à Versailles puis, de 1924 à 1929 au collège de Jouy-en-Josas. Il collabore alors à diverses revues littéraires dont de l’Université de Paris, où il publie Proust et Giraudoux. Il crée ensuite deux revues d’avant-garde Aventures (avec André Dhôtel, Crevel, Vitrac et Dufy) et Dés.

 • II – b) Un auteur reconnu de son vivant

     Bien que célèbre et très actif dans la vie littéraire de la capitale, il revient souvent à Varennes. C’est d’ailleurs là qu’il écrit, durant l’été 1922, son premier ouvrage Terres étrangères accueilli avec enthousiasme par André Gide. Marcel Arland signe son premier contrat avec Gaston Gallimard et devient un collaborateur régulier de la NRF, prenant la succession de Thibaudet à la chronique des romans. En 1929 il obtient le prix Goncourt pour son roman L’Ordre ce qui lui assure une autonomie financière. Il quitte l’enseignement et entre au comité de lecture chez Gallimard.

     Mobilisé, il se retrouve successivement à Langres, Nantes, et en Algérie. A son retour, son activité critique devient intense. A la réapparition de la NRF, il en assure la codirection avec Paulhan, avant d’en reprendre la tête jusqu’en 1977.

      Il peut avoir la satisfaction de voir son oeuvre reconnue de son vivant : outre le prix Goncourt en 1929 pour L’Ordre déjà mentionné, il reçoit en 1952 le grand prix de Littérature de l’Académie française et huit ans après, le Prix national des Lettres. Le 20 juin 1968, il entre à l’Académie française, élu au fauteuil 26, celui d’André Maurois.

      Il meurt le 12 janvier 1986.

 • II- c) L’attachement à ses racines

      Il n’a cessé de manifester son attachement aux lieux de son enfance par de fréquents séjours mais aussi une correspondante nombreuse avec les écrivains et amateurs de littérature du département.
     Il donne des textes aux Cahiers Haut-Marnais (revue des Archives départementales de Haute-Marne) qui lui en demandent. En 1982, lors la fondation de l’Association des Ecrivains de Haute-Marne (aujourd’hui l’AHME), il est sollicité pour en devenir Président d’honneur.
     Il revient souvent sur sa terre natale. Il se revoit enfant, s’amuse de ce qu’il est devenu et médite, encore et toujours. Deux ans avant sa mort, il montrait encore son attachement à la Haute-Marne dans une lettre adressée à Annie Massy :
« J’espère bien retrouver l’an prochain mon pays natal, auquel, vous le savez, je reste très attaché. » (lettre du 24-25 décembre 1983, en entier ci dessous).
     Bien que mort dans sa maison de Brinville, en Seine et Marne, c’est en Haute-Marne qu’il est inhumé, à Varennes-sur-Amance. Son village natal et les localités voisines lui ont rendu hommage en donnant le nom de son récit de souvenirs Terre Natale, au regroupement communal.

 • III – Son oeuvre : a) Courte analyse

      L’œuvre de Marcel Arland est dense, une cinquantaine d’œuvres où il n’a de cesse de s’interroger. Elle s’oriente en trois axes majeurs.
D’abord, il est un maître de la nouvelle : ses recueils sont des chefs-d’œuvre de concentration. Il crée un univers sombre et tourmenté où s’expriment les frustrations de l’enfance, les inquiétudes de l’adolescent, les déchirements du couple et l’impossibilité de communiquer.
Ensuite : des romans adoptant la forme de lettres imaginaires glissent sur l’autobiographie. À la concision et densité des nouvelles répond une certaine effusion de ses récits autobiographiques. Entré dans la vie littéraire avec le surréalisme naissant, il est séduit un temps par ce mouvement, mais il opte finalement pour une prose à la fois sévère et dépouillée mais aussi mélodieuse.
Enfin : ses essais critiques ; il en écrit dès les années 1920 et ils dominent son œuvre après la deuxième guerre mondiale. Un texte publié dans la NRF en 1924 et repris dans les Essais et nouveaux essais critiques, aurait pu faire de Marcel Arland un porte-parole de la nouvelle génération littéraire. Il n’en a rien été car il ne croyait qu’au travail solitaire.
Le Traité déclenche une querelle avec Aragon qui voit dans cette confidence présentée comme « un nouveau mal du siècle » toute l’imposture de ce que lui et ses amis dénoncent dans le jeu littéraire.
Son œuvre est donc tout entière vouée à l’exploration des mondes intérieurs dans des récits intimes et ou critiques. L’évocation de paysages âpres y est récurrente. Son enfance à Varennes l’a profondément marquée : il y écrit et il s’en inspire.

• III – c) Extraits de son oeuvre parlant de la Haute-Marne

   On pense d’emblée à Terre natale, récit de ses souvenirs d’enfance, en 1938. La présentation de la quatrième page de couverture de l’édition de Gallimard est explicite :
Parfois, il arrive qu’un paysage ordonne une âme. Ce fut le cas pour Marcel Arland né en 1899 à Varennes-sur-Amance, en Haute-Marne. De cette bourgade entre champs pauvres et forêts, l’écrivain va tirer une œuvre austère et puissante: Terre natale donnera ses lettres de noblesse à un pays.

«Nos paysages, il m’a fallu plus de vingt ans pour les découvrir. Je ne les croyais ni si amples, ni si purs, ni si harmonieusement ordonnés. Et pourtant, à mesure que j’en prenais conscience, je retrouvais mon enfance même qui s’en était pénétrée avant de les comprendre» Marcel Arland, 1938

« Vient le silence et, si vous prêtez l’oreille, vous percevrez le remous des feuilles au bord de la route, ou le faible murmure de la rivière. Dans la vallée, entre tous les éléments, et jusqu’au ciel, un accord s’est établi. Il n’appartient qu’à vous de participer à l’accord, de vous confondre lucidement avec l’heure et de vous ouvrir, mes amis, à l’amitié du monde. » Mais enfin, qui êtes-vous ? (1981)

Marcel Arland évoque aussi la Haute-Marne dans ses lettres imaginaires :
Je vous écris… – sur les îles (1960). Un demi-cercle de collines ; sur la plus haute, un village ; j’y suis né, j’y ai passé mon enfance, puis mes vacances de collégien. Et chaque année, une ou deux fois, j’y suis revenu pour un séjour plus ou moins long ; me sentais-je épars, je m’y retrouvais ; inquiet, j’y reprenais un équilibre. Sur quatre ou cinq lieues, il n’est pas une parcelle de ce pays que je ne connaisse intimement.

Mais voilà sept ans que je n’y suis pas retourné ; je me trompe : l’une ce ces années, ayant un beau matin quitté Paris, j’arrivai le soir au pied de cette côte ; j’y suis resté quelques instants sans descendre de voiture, ni même tourner les yeux vers la campagne, et j’ai regagné Paris. Je me demande pourquoi ; c’est peut-être que je ne me sentais pas une bonne conscience. […]
M’y voici. J’avoue que l’entrée ne fut pas des plus commodes ; je ne parvenais pas à faire jouer la serrure : il m’a fallu briser un carreau et pénétrer comme un voleur. Partout des toiles d’araignée ; sur tous les meubles une couche de poussière, et quelle odeur de moisi ! Diable, c’était ici pourtant que mon arrière-grand-mère, chaque jour, m’assurait que toute souillure des choses était souillure du cœur. J’ai voulu gagner le jardin : plus de jardin -un monstrueux enchevêtrement d’orties, de vigne folle, de plantes à tige creuse et à blanches ombrelles d’une hauteur si démesurée qu’elles semblaient sortir d’un terrain marécageux. Sans courage, je me suis assis devant la fenêtre qui donne sur cette végétation délirante ; je ne vois rien d’autre ; je suis coupé du monde.

C’est ainsi que j’écris, au bout d’une longue table vermoulue, essayant de donner à ces choses autour de moi le nom qu’elles eurent jadis. Après tout, je devrais me sentir comblé. Dans mon enfance, l’hiver, quand la neige s’entassait dans la rue et jusqu’à mi-hauteur des portes, un traîneau passait pour frayer un chemin tout au long du village. C’était un enchantement que de suivre ce couloir à ciel ouvert, entre les parois neigeuses et chaque matin rajeunies, un pas après l’autre, sans fin, préservé du monde, dans un merveilleux silence- Reste que le couloir où me voici me ferait plutôt penser à une prison, noire de plafond et de murs, entre le jardin, qui me repousse, et la rue, que je voudrais éviter.

Une autre évocation de son enfance à Varennes dans une atmosphère triste :
Tant de choses…. J’ai revu ma mère, qui vit seule depuis que son grand fils est mort. Nous avons passé deux jours ensemble. Chaque regard que je portais sur elle, c’était un déchirement. J’écoutais sa plainte, cette longue lamentation qui semble sortir du fond des âges. Cependant, le dernier jour, elle s’est quelque peu apaisée. Nous dînions, je l’ai entendue évoquer de vieux souvenirs, et, songeant que nous n’avions jamais été aussi calmes l’un devant l’autre, j’ai voulu comprendre ce qui s’était passé entre nous. J’ai parlé enfin. Je l’ai interrogée sur moi. Tout était-il de ma faute ? « Je n’ai pas eu une enfance heureuse » lui ai-je dit. Elle m’a répondu qu’il y en avait de plus malheureuses, et que j’avais eu ceci, cela… « Mais, maman, dès trois ans j’avais un père mort. Te rappelles-tu le cimetière où, chaque jeudi, chaque dimanche, tu m’emmenais pour des heures ? » Elle a détourné le propos, comme si l’image des ces tombes se fût, un seul de mes jours, effacée. Je lui ai rappelé les nuits où, me glissant hors de la maison, par le jardin, je descendais la route et restais contre la baraque du cantonnier, sous l’auvent, jusqu’à l’aube. Je lui ai dit que je n’avais rien connu de meilleur que ce silence nocturne, et que je n’avais été sauvé que par ce monde qui accueillait un enfant.
La Musique des Anges, édition Gallimard (1967)

 • III – b) Lettres inédites

      Dans une lettre datée du 14-25 décembre 1983, Marcel Arland bien que âgé et malade, trouve le temps de répondre à des questions sur son œuvre (et en particulier Ce fut ainsi ?) posées par des élèves de classe de quatrième du collège du sacré Cœur de Bourbonne-les-Bains (aujourd’hui disparu), Annie Massy, Professeure de Français :
Pourquoi mon titre Ce fut ainsi ? J’ai voulu dire que tout ce que j’exprimais dans ce livre était vrai.
– La nature ? Je l’ai toujours aimée ; j’y ai trouvé un refuge, un soutien et même une communion.
– L’écriture ? Ce fut dès mon adolescence un besoin, une vocation. Ce fut une délivrance, une façon de me trouver, d’aimer, de me donner, de chercher un profond accord avec les hommes et le vrai monde.
– Les cimetières ? Oui, j’en ai beaucoup parlé. C’est qu’à trois ans j’ai perdu mon père et que je passais des heures près de sa tombe, avec ma mère. C’est aussi que penser à la mort nous incite à chercher une vie véritable.
– L’époque et mon œuvre ? Je suis resté indépendant, ce qui ne m’a certes pas empêché d’avoir de longues et fidèles amitiés. Les « honneurs » que j’ai pu recevoir, je ne les ai pas cherchés. J’ai vécu et écrit hors des complaisances, des vanités, des mots d’ordre et de toutes les formes de mensonge.
– Cela dit, je sais mieux que personne que j’ai, de nature, un caractère exigeant, insatisfait et difficile. Mais je sens de plus en plus au fond de moi un besoin de vérité, de travail et surtout d’amour.
– Reste une question. Vous la posez à mon épouse, qui veut bien vous répondre, en me souriant.

(écrit de la main de madame Arland, dans la lettre)
Est-il difficile d’être la femme d’un écrivain ? Sans doute, ce n’est pas des plus facile. Tout dépend et de l’écrivain et de la femme. Or il se trouve que nous avons le plus souvent, mon mari et moi, des goûts communs. Par exemple pour la nature. Il se trouve aussi que je peins, et que mon mari a toujours aimé la peinture. Quant à l’influence que je peux avoir sur son œuvre, c’est dans la mesure où je comprends cette œuvre et où j’en respecte l’idéal’. Janine Arland

Vous le voyez, nous ne sommes à plaindre ni l’un ni l’autre !
Croyez, chers élèves de Bourbonne, à notre bien cordiale sympathie. Marcel Arland
(Lettre autographe envoyée à Annie Massy)

     Marcel Arland a également encouragée Annie Massy lorsqu’elle débutait en littérature et écrivait son premier roman. Il exprime aussi son regret de ne pas pouvoir venir en Haute-Marne du fait de son état de santé. (lettres ci-dessous)

• Une œuvre importante

 

Romans

Terres Étrangères – 1923

Étienne – 1924

Monique – 1926

L’Ordre – 1930

Antarès – 1932

La Vigie – 1935

Terre Natale -1938

La grâce – 1941

Zélie dans le Désert – 1944

La Consolation du Voyageur – 1952

Nouvelles

Maternité – 1926

Les Âmes en Peine – 1927

Édith – 1929

Les Vivantsd – 1934

Les Plus beaux de nos Jours – 1937

Il Faut de tout pour faire un Monde – 1947

Sidobre – 1949

L’Eau et le Feu – 1956

À Perdre Haleine – 1960

Contes

Cinq Contes – 1944

Essais

La Route Obscure – 1924

Où le Cœur se partage – 1927

Une Époque – 1930

Essais et Poèmes – 1931

Essais critiques – 1931

Carnets de Gilbert – 1931

Hommage  Eugène Dabit – 1939

Marguerite de Navarre – 1940

Sur une Terre menacée – 1941

Anthologie de la Poésie française, Choix et Commentaires – 1941

Problèmes du Roman – 1943

Le Promeneur – 1944

Suzanne Tourte, Peintre et Graveur – 1945

Les Échanges – 1946

Avec Pascal – 1946

Kandinsky – 1947

Chronique de la Peinture moderne – 1949

Marivaux – 1950

Lettre de France – 1951

La prose française. I. Des Origines à Saint-Simon, (anthologie)

Essais et nouveaux Essais critiques – 1952

Georges de la Tour – 1953

Nouvelles Lettre de France – 1954

La Grâce d’écrire – 1955

Chagall – 1958

Je vous écris – 1960

Je vous écris II, La Nuit des Sources – 1963

• IV) Pour aller plus loin

   On peut lire ses œuvres, notamment Terre Natale ou peut-être aussi celles de Jean Robinet pour se plonger dans l’atmosphère de la vie des paysans de la région qui a vu naître Marcel Arland

Pour joindre la bibliothèque Marcel Arland de Langres :
bibliotheque.arland@langres.fr