Charles de GAULLE (1890-1970)
• I – Lieux associés
Colombey-les-deux Églises :
La Boisserie :
la demeure familiale du général lui offrit tout le calme et la tranquillité nécessaire pour écrire son œuvre. Il l’acheta en 1934 et s’y installa définitivement en 1945. Après son retour au pouvoir en 1958, ce lieu est resté la vraie demeure de Charles de Gaulle et de sa famille où il recevait ses enfants et petits-enfants en vacances. Selon les circonstances, il y a aussi accueilli des personnages politiques importants qui avaient besoin de le voir discrètement.
La Croix de Lorraine :
Construite en grès rose des Vosges, elle domine le village et se voit à plusieurs kilomètres lorsque l’on arrive de Paris.
Le Mémorial :
Construit au pied de la croix de Lorraine, il offre quatre-mille mètres carrés d’exposition et d’espaces pédagogiques pour connaître le Général y compris dans ses aspects intimes et méconnus.
Le cimetière :
Charles de Gaulle y est enterré avec son épouse et sa fille Anne décédée avant lui.
Dans le village :
On peut voir dans les jardins une rose blanche créée en souvenir d’Yvonne de Gaulle et qui porte son nom.
• II – a) Dates principales
(Photo : le Mémorial de Colombey-les-deux-Eglises)
– 22 novembre 1890 : naissance à Lille.
– 1910-1912 : élève officier à Saint Cyr
– 9 juin 1940 à août 1945 : période londonienne ; Charles de Gaulle lance l’appel historique à la Résistance, du 18 juin 1940. Il devient chef du gouvernement provisoire de la France.
– 20 janvier 1946 : démission du gouvernement provisoire. De Gaulle commence l’écriture de ses Mémoires à Colombey.
– 1958 : retour au pouvoir. De Gaulle devient le premier président de la Ve République.
– 1965 : Charles de Gaulle est le premier président de France à être élu au suffrage universel.
– 27 avril 1969 : il n’obtient pas la majorité des voix au référendum qu’il a proposé et il démissionne le jour suivant. Il revient à Colombey après un séjour en Irlande.
– 9 novembre 1970 : mort du Général à la Boisserie de Colombey.
• II – Éléments biographiques
(Photo : l’appel du 18 juin 1940)
Il serait vain de refaire ici la biographie complète d’un personnage historique aussi célèbre que le général de Gaulle. Nous ne rappellerons que les grandes lignes pour ne s’attarder que sur les aspects qui ont un lien avec la Haute-Marne et son œuvre littéraire.
• II – b) À Colombey-les-Deux-Églises et la Boisserie
(Photo : la Boisserie à Colombey)
Le Lieutenant Colonel de Gaulle, achète la Boisserie en Juin 1934. Sentant venir la guerre, il désirait posséder une maison de campagne pour y rassembler sa famille. Il l’a choisie parce que le paysage austère de landes et de forêts, à la saignée des provinces de Champagne, de Lorraine et de Bourgogne, correspondait à son esprit et à son cœur. Mais le lieu est aussi idéalement situé, pour lui, entre Paris et les garnisons militaires de l’Est où il est susceptible d’être appelé régulièrement.
Charles de Gaulle n’est pas un héritier et il ne réussit à payer cette demeure que grâce à la vente de ses livres : et c’est là qu’il écrit ses Mémoires. La Boisserie se retrouve donc, de fait, un lieu consacré à la littérature.
La famille de Gaulle s’y installe définitivement en 1945. En 1947, le général y fait transférer ses archives de Londres, Alger et Paris, au gré de l’avancement des ses Mémoires.
La Boisserie s’offre aux regards depuis le village. Sa tour hexagonale, coiffée de vieilles tuiles, les murs de la maison couverts de vigne vierge, les hauts sapins sombres entourent un grand pré planté d’arbres fruitiers, descendant jusqu’à un vallon où paissent des troupeaux.
Jamais un lieu n’aura été aussi inséparable d’un homme que Colombey-les-Deux-Eglises. C’était sa vraie, sa seule demeure.
(Photo : vue de la Boisserie, intérieur de la cour)
Il s’y retire en 1946. Le général vit à Colombey dans la plus grande simplicité : une vie familiale, une vie partagée entre le travail, l’écriture, les lectures, les correspondances, la télévision, les songeries solitaires dans la maison silencieuse ou le jardin, les réussites, les longues promenades à pied, avec ses enfants, dans la forêt voisine, Les Dhuits, Clairvaux, La Chapelle-en-Blaisy, forêts profondes et sombres, qui n’ont pas changé au cours des siècles, seulement coupées par quelques routes ce qui « le submergeait de mélancolie ».
Cette « traversée du désert » est une aubaine pour la littérature car elle permet au général d’écrire le premier tome de ses Mémoires.
On vient l’y chercher en I958. Même au pouvoir, il revient à Colombey dès qu’il peut prendre quelques vacances pour s’y retrouver en famille. Il y revient en 1969 pour finir sa vie. C’est là que le Général meurt, le 9 novembre 1970, après avoir jeté un dernier regard sur le jardin enveloppé de brume, en fermant lui-même les volets de son cabinet de travail..
• II – c) En mémoire du Général :
(Photo : la tombe du général dans le cimetière de Colombey-les-deux-Eglises)
C’est à Colombey-les-deux-Eglises qu’il repose, sous une simple dalle de pierre blanche, dans l’humble cimetière de ce petit village de Haute Marne qu’il avait adopté. À proximité : sa fille Anne, décédée avant lui. Son épouse Yvonne l’y a
rejoint. Seule inscription : « Charles de Gaulle 1890-1970 ».
Le Général a souhaité n’avoir ni statue ni monument particulier. Ses admirateurs et fidèles ont quand même tenu à honorer sa mémoire en édifiant, avec l’argent d’une souscription privée, une grande croix de Lorraine en grès rose, sur le sommet de la plus haute colline de Colombey. Au pied a été inauguré un mémorial de quatre-mille mètres carrés le 11 octobre 2008.
Son village de cœur et de demeure est aujourd’hui un lieu de pèlerinage incontournable des historiens et des hommes politiques. Le 9 novembre de chaque année, notamment, le petit cimetière et ses environs disparaissent sous le flot des visiteurs prestigieux avec même parfois à leur tête le Président de la République française. Ce fut notamment le cas en 2010 pour un triple anniversaire : 120 ans de la naissance de Charles de Gaulle, 70 ans de l’Appel du 18 juin, 40 ans de sa mort. Le 26 novembre 2010 la remise des prix du Concours national de la Résistance et de la Déportation n’a pas eu lieu à Paris mais à Colombey en l’honneur du souvenir du Général.
• III – Son œuvre :
a) Sous le signe de la littérature
Charles de Gaulle est nourri dès son enfance tout autant de sciences humaines que d’idées patriotes. Son père Henri de Gaulle est professeur de philosophie et passionné d’histoire. Formé dans les écoles catholiques, chez les Assomptionnistes rue Vaugirard à Paris puis chez les Jésuites en Belgique, Charles de Gaulle reçoit une solide culture générale.
S’il se sent très tôt attiré par le métier des armes, il n’en développe pas moins, très tôt également, son goût pour la littérature. Il lit Péguy, Bergson. À 15 ans il est lauréat d’un concours littéraire au lycée pour : Une mauvaise rencontre, saynète en alexandrins largement inspirée d’Edmond Rostand. Ses professeurs lui donnent le choix entre une récompense en argent ou la publication. Il choisit d’être imprimé sous le pseudonyme « Charles de Lugale ». Il aurait confié à ses camarades que si une infirmité l’obligeait à renoncer à la carrière militaire, il serait écrivain. Puis ce sera Je voudrais, texte en vers magnifiant la mort au champ d’honneur et Campagne d’Allemagne, (semblant inachevé) qui relate le déroulement d’une guerre fictive. Cependant Charles de Gaulle reste, jusqu’en 1954, un écrivain pratiquement inconnu du grand public. Peu de lecteurs auront connaissance des quatre grands ouvrages publiés entre les deux guerres, ainsi que de la vingtaine de discours dont il est l’auteur à l’époque.
• III – b) La République des Lettres
Pourtant l’écriture est d’une très grande importance dans la vie du Général, puis du Président. Chaque fois qu’il se trouve confronté à des sentiments puissants, chaque fois qu’il veut préciser sa pensée, affirmer ses idées, il écrit. Il aime à affronter la page blanche, et d’ailleurs on le considère comme un « soldat écrivain ». Détestant l’imprécision, ayant horreur de l’à peu près, très attaché à la syntaxe et à l’orthographe, il corrige minutieusement les textes qui lui sont soumis alors qu’il est Président de la République. Il sera un épistolier de talent – dans le style du XVIIIe siècle – tandis que retiré de la vie publique, il entretient une abondante correspondance. Toujours dans un français exemplaire, précis, technique, sans complaisance, émaillé parfois de termes rares (« tracassin », « chienlit »…), mais également très poétique, plein de sensibilité, d’émotion, où la grandiloquence naît de mots simples et accessibles à tous. D’ailleurs l’émotion suscitée par le célèbre Appel du 18 juin doit beaucoup au style brillant et héroïque, sur le rythme ternaire des grands rhétoriqueurs comme Cicéron. À l’heure où l’Allemagne nazie croit gagner la bataille de la propagande, Charles de Gaulle envoie sur les ondes de la BBC, le plus magnifique des démentis.
Son activité d’écrivain et de protecteur des Lettres s’intègre totalement à l’idée qu’il a de sa mission et de la fonction qu’il occupe, ou a occupées. Il fut le protecteur de l’Académie française. Il entretenait des rapports confraternels avec des auteurs tels que André Mauriac et André Malraux dont il fit le premier ministre de la culture en titre.
À ses adversaires politiques écrivains, de Gaulle refusa toujours qu’on leur fît le moindre outrage. À propos de Jean-Paul Sartre qu’on lui conseillait de traduire en justice, Charles de Gaulle rétorqua : « on n’emprisonne pas Voltaire ». Il alla voir
incognito Le Soulier de Satin de Claudel, mis en scène par Jean-Louis Barrault. Et lorsqu’il se sentir mourir, Jean Cocteau lui écrivit : « Mon Général, je vais mourir, je vous aime. » (Sources de ce paragraphe : Nouvelle Revue Pédagogique, lycée,
numéro spécial, novembre 2009)
• III – c) Analyse succincte de l’œuvre :
L’œuvre de Charles de Gaulle est particulièrement riche non seulement parce qu’elle est importante en volume mais aussi parce qu’elle touche à plusieurs genres. C’est d’abord celle d’un historien extrêmement et soigneusement argumentée et documentée, d’autant plus intéressante qu’il a lui-même vécu l’histoire qu’il écrit. Cependant, son point de vue n’est pas neutre car il est orienté vers l’idée de grandeur qu’il veut montrer de la France.
L’histoire de la Résistance prend avec lui des allures d’épopée : celle d’un pays et d’un peuple de Français libres qui ne se sont jamais rendus et ont été présents sur tous les champs de bataille de la seconde guerre mondiale. S’il ne retouche rien à l’histoire, il n’est pas neutre : il est passé maître dans l’art de l’éloge (Jean Moulin) et du blâme (Mussolini). On peut donc trouver une limite au strict respect de la vérité historique. S’il ne dit rien de faux, il tend à passer sous silence ce qui pourrait diminuer la haute idée qu’il se fait de la France.
Il ne recule pas devant l’utilisation de l’ellipse pour éviter de parler des humiliations que la France a pu recevoir à travers lui, dans l’Angleterre de Churchill par exemple. Ses Mémoires sont une réécriture de l’histoire vécue en même temps qu’une « Défense et Illustration de la France », dans sa volonté de redevenir une nation souveraine. De Gaulle a l’ambition et la conscience d’écrire une œuvre tout aussi patriotique que pédagogique. Elle s’inscrit aussi dans le genre autobiographique dont elle présente les caractéristiques : emploi du présent, implication de l’auteur, confusion des «je» du narrateur et du personnage. Les pages consacrées à la Boisserie se trouvent à la fin du troisième tome de la trilogie de ses Mémoires : démarche autobiographique significative puisque de Gaulle, après avoir présenté l’homme public et politique, se pose en écrivain et présente, en quelque sorte son « atelier ».
On connaît l’homme politique, personnage historique de premier plan. L’homme de Lettres ne manque cependant pas d’intérêt et il se pourrait peut-être qu’à l’avenir, lorsque l’histoire aura pris le recul du temps, on fasse passer au premier plan l’auteur des Mémoires avant le Président de France comme on l’a fait avec Cicéron ou Lamartine.
• III – d) Liste d’œuvres
– La Discorde chez l’Ennemi, Berger-Levrault, 1924 (1ère édition), Plon, 1971
– Le Fil de l’Épée, Berger-Levrault, 1932 (1ère édition), Plon, 1971
– Vers l’Armée de Métier, Berger-Levrault, 1934 (1ère édition), Plon, 1971
– La France et son Armée, Plon, 1938 (1ère édition), et 1971
– Trois Études, Berger-Levrault, 1945 (1ère édition), Plon, 1971
– Mémoires de Guerre. Rédigées pendant la traversée du désert, elles comprennent trois volumes qui renvoient chacun à une période de la Seconde Guerre mondiale :
* L’Appel 1940-1942, Plon, 1954
** L’Unité 1942-1944, Plon, 1956
*** Le Salut 1944-1946, Plon, 1959
– Discours et messages, Plon, 1970
– Mémoires d’Espoir
Rédigées après que de Gaulle s’est retiré du pouvoir, elles comportent deux volumes – le Général n’eut pas
le temps de rédiger le troisième :
* Le Renouveau (1958-1962), Plon, 1970
** L’effort (1962 … ), Plon, 1971
– Articles et Écrits
Textes rassemblés par l’Institut Charles de Gaulle – Plon, 1975
Lettres, Notes et Carnets avec une introduction de Philippe de Gaulle, Plon, 1980-1988, 1997. On y trouve une sélection de lettres familiales ou officielles, des télégrammes personnels ou gouvernementaux, des travaux, minutes, directives, billets, récits et brouillons divers écrits par le général de Gaulle. Cette sélection a été faite par son fils, l’Amiral Philippe de Gaulle. Beaucoup de ces pièces sont inédites. (treize tomes, édités chez Plon de 1980 à 1997)
• IV – Extraits de l’œuvre en lien avec la Haute-Marne
« Sur ma maison, je regarde tomber le dernier soir d’une longue solitude. Quelle est donc cette force des choses qui m’oblige à m’en arracher ? »
« C’est ma demeure. Dans le tumulte des hommes et des événements, la solitude était ma tentation. Maintenant, elle est mon amie. De quelle autre se contenter quand on a rencontré l’Histoire? D’ailleurs, cette partie de la Champagne est toute imprégnée de calme : vastes, frustes et tristes horizons ; bois, prés, cultures et friches mélancoliques, relief d’anciennes montagnes très usées, villages tranquilles et peu fortunés, dont rien depuis des millénaires, n’a changé l’âme ni la place. Ainsi du mien. Situé haut sur le plateau, marqué d’une colline boisée, il passe les siècles au centre des terres que cultivent ses habitants. Ceux-ci, bien que je me garde de m’imposer à eux, m’entourent d’une amitié discrète. Leurs familles je les connais et je les aime. »
» Le silence emplit ma maison. De la pièce d’angle, où je passe la plupart des heures du jour, je découvre le lointain dans la direction du couchant. Au long de quinze kilomètres, aucune construction n’apparaît. Par dessus la plaine et les bois ma vue suit les longues pentes descendant vers la vallée de l’Aube, puis les hauteurs du versant opposé. D’un point élevé du jardin, j’embrasse les fonds sauvages où la forêt enveloppe le site, comme la mer bat le promontoire. Je vois la nuit couvrir le paysage. Ensuite regardant les étoiles, je me pénètre de l’insignifiance des choses. »
« Là, j’écris les discours qui me sont un pénible et perpétuel labeur. Là, je lis quelques livres qu’on m’envoie. Là, regardant l’horizon de la terre ou l’immensité du ciel, je restaure ma sérénité. » (Le Salut, 1954)
• V – Pour aller plus loin :
– Ligne directe, magazine du Conseil général de Haute-Marne consacre quatre pages hors série (décembre 2010 / janvier 2011) au « plus illustre des Français » et « Colombey-les-deuxEglises : terre de mémoire ». Il y fait la promotion du Mémorial où se tient régulièrement des
expositions historiques sur la deuxième guerre mondiale, la Résistance et la Déportation.
– Mais si le Mémorial est désormais un lieu magistral de mémoire, on peut aussi retrouver l’esprit du Général en visitant la Boisserie, en se recueillant sur la tombe (en évitant la mi-novembre) ou tout simplement en se promenant dans les rues de son village élu… et pourquoi pas en lisant des livres des écrivains de l’AHME qui parlent de lui ou de la deuxième guerre mondiale ?