CLAUDEL PAUL (1868 – 1955)

                        Sommaire

I – Lieux associés
II – Biographie
       a) Les grandes lignes de sa vie
       b) Paul Claudel à Wassy
III – Son oeuvre
       a) Pistes d’analyse
       b) Extrait en lien avec la Haute-Marne
IV- Pour aller plus loin

• I – Lieux associés

I – Wassy:

– N° 2 de la rue du Val du Château : siège de l’administration des Hypothèques dont la famille Claudel occupa le logement de fonction, lors de leur court séjour ; une plaque commémorative y a été apposée.

– l’ancien « Collège » où Paul Claudel fut élève externe est aujourd’hui la gendarmerie. (Collège : c’est ainsi que l’on appelait cet établissement jusqu’aux années 1960 ; mais en fait il s’agit de ce que l’on appelle aujourd’hui un lycée puisqu’il préparait au baccalauréat qui se passait alors en deux parties, une générale en classe de première et une spécialisée en terminale)

– Église Notre-Dame : Paul Claudel y suivit des cours de catéchisme et y fit sa première communion

– la rue Paul Claudel : elle passe devant l’église et conduit à l’ancien collège (aujourd’hui c’est la Gendarmerie.)

 • II – Biographie a) Les grandes lignes de sa vie


6 août 1868 : naissance à Villeneuve-sur-Fère (Aisne)
– Enfance dans divers endroits au gré des mutations de son père fonctionnaire : Bar-le-Duc (-1870-1876), Nogent-sur-Seine (1876-1879), Wassy (1979-1882), installation à Paris en 1882. Paul et ses sœurs reçoivent une éducation solide et une formation catholique.
1885 : Paul obtient le baccalauréat après des études au lycée Louis le Grand. Il commence ensuite une licence de droit et s’inscrit à l’Ecole Libre des sciences politiques.

1886 : en juin, découverte de Rimbaud qui transforme son existence. 25 décembre, « conversion » en l’église Notre-Dame de Paris. Sa foi en Dieu se révèle à lui.
1890 : il est reçu premier au concours des Affaires étrangères
1880- 1906 : à partir de cette période il mène de front un double carrière, politique et poétique. Postes aux Etats-Unis et en Chine et écriture d’essais, de pièces, d’odes, de traités d’art poétique.
1906- 1935 : mariage à Lyon avec Reine Sainte-Marie Perrin, fille de l’architecte de Notre-Dame de Fourvière dont il aura cinq enfants. Gloire littéraire.
1935-1955 : retraite professionnelle mais intense activité littéraire où il célèbre la gloire de Dieu
12 mars 1947 : élu à l’Académie française
23 février 1955 : décès à Paris ; funérailles nationales à Notre-Dame de Paris avant d’être inhumé à Brangues dans le Dauphiné où il avait son château.

 • II – b) Paul CLAUDEL à Wassy

     Il peut sembler présomptueux de faire de Paul Claudel (et pourquoi pas de sa sœur Camille, excellente sculptrice) des artistes haut-marnais. Mais il serait tout autant injuste d’oublier qu’il a séjourné dans ce département et y a commencé sa double formation culturelle et spirituelle. Son père, Louis Prosper Claudel, fonctionnaire « de l’enregistrement » né dans les Vosges voisines, exerça la charge de Conservateur des hypothèques à Wassy de 1879 à 1882.

     Wassy est une ancienne sous-préfecture avec de beaux bâtiments fin 19ème : la Gare, inaugurée par Sadi-Carnot, l’hôtel de ville, le Théâtre récemment restauré, la Poste et l’église plus ancienne encore. Il y coule la Blaise chargée de l’histoire de Voltaire à Cirey non loin de là. On peut s’y promener le long du Canal et à la Digue.
     Les trois enfants Claudel, Paul, Louise et Camille, ainsi que leur mère Louise Cerveaux, logent dans une solide demeure au passé historique : l’appartement de fonction du siège de l’administration des hypothèques. Elle date de la fin du dix-septième siècle et a appartenu au Procureur du roi sous Charles X. Les pièces sont vastes, hautes de plafond, les murs sont épais et elle est posée sur des caves voûtées. Juste en face se trouvait au seizième siècle la tristement célèbre grange, lieu du premier massacre des protestants des guerres de religion.

(Photo : deux filles, un fils et une petite fille de Paul Claudel, sur la perron de la maison à Wassy, le 14 mars 1987, lors de la cérémonie en souvenir de Camille et Paul.)

     On ne peut dire quelle fut l’influence de ces lieux sur un jeune esprit en formation mais on peut raisonnablement penser qu’elle ne fut pas neutre dans sa conversion mystique postérieure, même si Paul Claudel, dans Ma Conversion, déclara, à propos de sa première communion le 23 mai 1880 à l’église Notre-Dame de Wassy : « communion qui … comme la plupart des jeunes garçons de mon âge, fut à la fois le couronnement et le terme de mes pratiques .. »

     Pour favoriser les études de Paul, la famille s’installe à Paris en 1882 et le jeune homme continue son instruction au prestigieux lycée parisien Louis le Grand. Cependant, il n’oublie pas totalement, sinon la Haute-Marne, du moins sa région, puisqu’il écrit en 1905, la majeure partie du Le Partage de midi non loin de Saint-Dizier, chez un oncle habitant la Meuse. Dans ce lieu éloigné du tumulte parisien et des remous de sa liaison scandaleuse avec Rose Vetch, le diplomate, revenu précipitamment de Chine, peut trouver dans l’écriture le moyen de soigner sa douleur et ses remords.

    En 1953, il devient Président d’honneur de l’amicale des anciens élèves du collège de Wassy.

     Wassy a donné son nom à une rue du village et a fait apposer une plaque sur son lieu de résidence locale. C’était en 1987, en présence de membres de sa famille.

 • III – Œuvre :

a) Pistes d’analyse

       « Bon catholique, mais écrivain, diplomate, ambassadeur de France et poète » : Paul Claudel se définit ainsi lui-même dans un interview au journal Il seculo.
      L’œuvre de Paul Claudel, résultat de plus de soixante-cinq ans de création et de réflexion, est magistrale : poèmes lyriques, pièces de théâtre, essais, articles, arts poétiques, traductions de pièces grecques antiques, conversations, conférences, exégèses bibliques…
     Souvent austère, elle glorifie Dieu et inverse les schémas habituels d’inspiration. Elle vise à mettre au centre de sa philosophie et de son esthétisme : la création avant la science et le particulier avant le général ; la sensibilité domine l’intelligence et l’émotion, la raison. Rien n’est plus haïssable pour Claudel que le progrès considéré comme une avancée. Sa ferveur catholique établit un accord profond et heureux entre l’homme et le monde. Les pulsions humaines et naturelles sont en harmonie.

    Le poète utilise beaucoup l’ellipse et la métaphore, notamment la métaphore musicale pour exprimer cette solidarité entre l’âme et le monde. Ainsi s’explique la création d’un vers particulier : le « verset claudélien » à mi-chemin de la contrainte métrique et du vers libre, moyen d’endormir l’habitude, la paresse de l’esprit et de délivrer l’âme.

      Claudel assure la transition entre le symbolisme de la fin du dix-neuvième siècle et la modernité, sans pour autant être un adepte du surréalisme qui, selon lui, ne menait à rien.

 • III – b) Extrait de l’œuvre en lien avec la Haute-Marne

      C’est dans l’œuvre la plus autobiographique de Paul Claudel que l’on trouve une allusion à Wassy : Le Partage de Midi
Après une retraite chez les Bénédictins, sur le paquebot qui le ramène en Chine, il ne peut résister au monde et à ses tentations. Il rencontre, Rose Vetch, (alias Ysé) une femme mariée à un trafiquant peu recommandable. C’est le début d’une grande passion irraisonnée. Rose s’installe avec ses quatre enfants chez Paul Claudel à Fou-Tchéou et attend bientôt un enfant de lui. Un scandale éclate et elle doit quitter la ville en août 1904. Claudel revient en France en avril 1905, sans avoir pu rejoindre Rose. Le Partage de Midi, drame fortement autobiographique est composé après leur séparation (1906, pièce créée en 1921)

     Le Partage de Midi est la rencontre de deux êtres, Mésa et Ysé, qui se sentent prédestinés l’un à l’autre mais se heurtent à l’obstacle d’un mariage antérieur, sacrement indissoluble.

Fin de l’acte I : sur le pont d’un grand paquebot, au milieu de l’Océan Indien se trouvent Mésa, Ysé et Amalric, ancien compagnon d’Ysé. Entre De Ciz, mari d’Ysé.

AMALRIC (l’interpellant) : De Ciz, nous deviendrons tous riches !
DE CIZ : Ainsi soit-il !
AMALRIC : Aucun doute à ce sujet ! Et d’abord est-ce qu’il ne nous faut pas de l’argent à tous ? Demandez à cette dame que voilà. Et ce Mesa qui est comme un homme sans poches ! Pour ne pas parler de vous et de moi. Je vous dis que je sens la fortune dans l’air ! Et allez donc, je m’y connais ! Je reconnais cette odeur ! Est-ce que vous ne sentez pas comme une haleine ?
Ah, je le sais, mon coeur se dilate, nous avons passé une certaine ligne ! Je reconnais mon vieil Est ! Il est pour moi ce qu’est pour la dame d’Epinal ou de Wassy-sur-Blaise tout à coup le Grand Magasin du Louvre bondé d’étoffes et de savons !
      C’est l’Inde qui est devant nous. Ne l’entendez-vous pas, si pleine qu’on entend le bruissement de ce milliard d’yeux qui clignent, Hein, quelle chance de ne plus être en France ! Nous ne reviendrons plus en arrière ! Que tout ce fourrage me paraissait fade et aqueux ! Quel dégoût que cette verdouillade ! et pas de soleil, que ce pâle fourneau de chauffe-bain !
DE CIZ : Encore une fois, nous avons passé Suez.
MESA : On ne le passe qu’une fois pour de bon. Je pense que nous l’avons tous passé cette fois.
AMALRIC : Nous ne le repasserons plus jamais, hourra ! Nous ne reviendrons plus en arrière, hourra ! Mais nous serons tous morts l’année prochaine, hourra !
YSÉ : Voilà une belle prière.

 • IV) – Pour aller plus loin 

      Le 14 août 1987 a eu lieu à Wassy une  » journée Camille et Paul Claudel » pour honorer les illustres artistes qui ont habité le village, en présence de membres de la famille du poète diplomate : Reine Paris et madame Jacques Nantais, filles de l’académicien, Reine-Marie Paris sa petite-fille et l’ambassadeur Henri Claudel, son fils.

      On peut se promener dans Wassy, dans ces lieux chargés d’histoire religieuse troublée, que Paul Claudel fréquenta deux ans et qui le formèrent un peu aussi.