Jean DESSEIGNE
26 janvier 1929 – 24 octobre 2014
Sommaire
1 – Biographie
2 – Jean Desseigne et la poésie :
Rencontre avec la poésie
Un poète dans la cité
3 – Œuvres
4 – Hommage
1 – Biographie
Je suis né le 26 janvier 1929 à Poissy (78) comme Saint-Louis…J’ai passé mon enfance en Bretagne à Ploërmel puis mon père qui était officier ministériel s’est installé à Wassy (Haute-Marne) en 1944. J’avais 15 ans : mon adolescence et le début de ma vie d’adulte se sont passés dans cette toute petite ville de Province avec les amis, les premiers flirts : la grande distraction, c’était d’aller au cinéma. Je n’ai pas fait d’études, j’étais assez récalcitrant à la discipline des frères de La Mennais mais j’étais bon en français et j’aimais bien les rédactions… Par la suite, j’ai passé une capacité en droit.
Je viens d’un milieu familial très conservateur à la culture classique. J’aimais dénicher « à l’instinct » en librairie des auteurs dont les livres correspondaient à ma sensibilité et j’ai découvert d’autres horizons : Simenon, Camus (L’Étranger et L’Homme révolté), la littérature contemporaine américaine qui m’a beaucoup marqué : Faulkner, Hemingway, Dos Passos, Steinbeck… et qui allait de pair avec la découverte du cinéma américain.
J’aimais les maximes et je gardais en mémoire certaines phrases comme des porte-drapeaux pour ma vie : « l’espoir est un instinct que seul peut tuer le raisonnement de l’esprit ».
Je me suis beaucoup intéressé aux travaux de Jung et de Freud et à leur joute intellectuelle ; à l’œuvre de certains penseurs mystiques comme celle de René Guénon.
Ces dernières années, j’ai lu et relu l’œuvre philosophique de Gaston Bachelard, notamment La Poétique de l’instant. Sur les planches où sont rangés mes compagnons de lecture et de méditation, j’ai aussi à portée de main, une dizaine des œuvres de Marcel Arland dont j’apprécie la qualité d’écriture et le charme. C’est Terre natale qui m’a ouvert la porte de la demeure littéraire de Marcel Arland.
Le poète Jean Desseigne est décédé le 24 octobre 2014 dans sa quatre-vingtième année. Il est enterré au cimetière de Beurville (Haute-Marne).
Le goût de l’anticonformisme
Toute ma vie j’ai adopté une posture de marginal, d’anti-conformiste avec un esprit volontiers provocateur. On aurait pu parfois me qualifier d’anarchiste… de droite, de gauche ? Je n’ai jamais voulu correspondre à une étiquette, ni cautionner une idéologie quelconque.
L’humour a beaucoup compté : façon Bedos. J’aimais beaucoup jouer avec les mots, créer de petits sketches ou des chansons « baroques ».
Le sport a eu une action tonique voire mystique dans ma vie. Surtout la course à pied. Je courrais par tous les temps en forêt du Gorgebin (forêt domaniale de Chaumont en Haute-Marne) et je me sentais en harmonie avec la nature. À l’arrêt, il m’arrivait de m’appuyer le dos contre un arbre comme si je voulais en sentir battre l’âme.
Cette bonne condition physique m’a permis de me livrer aux délices de «’heure ambrée » selon Francis Scott Fitzgerald…
Je me suis marié en 1950 avec ma première femme Hélène qui était professeur d’enseignement général et j’ai eu trois fils : Laurent, François et Bruno. J’ai divorcé et me suis remarié en 1956 avec ma deuxième femme Sylvette qui était institutrice et j’ai eu une fille Sophie. Nous avons vécu en Algérie de 1954 à 1962. C’est à cette époque que je suis devenu ami avec l’écrivain algérien Mohamed Dib.
Nous sommes revenus nous installer en 1963 à Chaumont (52) où je vis encore aujourd’hui.
Professionnellement ma principale activité a été de vendre des ouvrages juridiques.
2 – Jean Desseigne et la poésie
Rencontre avec la poésie
Comment suis-je devenu poète ? C’était en 1961 en Algérie. Je visitais des écoles dans le cadre de mon travail de courtier en libraire et ma journée avait été marquée par les yeux magnifiques d’une institutrice… En revenant en bus de cette tournée : une « voix » m’a dicté mon premier poème, Je voudrais garder ma joie (recueil Les Saveurs oubliées). J’étais bouleversé, j’en aurais pleuré de joie ! J’ai aussi eu le sentiment que le poème me donnait la compensation de l’amour non vécu…
L’amour est un thème récurrent dans ma poésie. L’émoi de l’amour était souvent pour moi lié aux eaux dormantes des étangs… Le thème de la nature est également très important. À l’âge mûr, quand l’amour meurt, l’amour de la nature perdure. Je voyais assez la nature selon la symbolique maçonnique dont le Créateur est le grand architecte de l’univers.
La ville de Wassy était une cité ouvrière, même si l’industrie des fonderies était déclinante. J’étais sensible au quotidien des êtres, aux hommes de peine assis sur les marches devant la porte de leur maison. Tous les êtres nous interpellent. Nous sommes pareils à un mur de pierres sèches : c’est l’ensemble des pierres qui forment le mur.
La nostalgie fait partie intégrante de ma poésie, j’ai un véritable culte de la nostalgie !
Ce n’est pas la tristesse, pas le chagrin. La nostalgie demeure comme un espoir. Elle embellit les souvenirs. Elle nous rappelle les heures passées qui ne reviendront plus mais qui gardent leur sel de vie.
La poésie a été pour moi une ligne de conduite qui m’a permis de suivre mon chemin, qui a éclairé ma route comme une lumière positive.
J’ai voulu associer dans mon écriture poétique simplicité et musicalité. Mes poèmes sont à la portée de tout le monde. Pour moi le poète a une mission essentielle qui est d’expliquer aux autres ce qu’ils ressentent.
Un poète dans la cité
J’ai consacré beaucoup de temps à lire de la poésie : Paul Verlaine, Guillaume Apollinaire, Paul Éluard, Rné Char, Antonin Artaud, Pierre Reverdy, Eugène Guillevic, Paul Chaulot, Bernard Dimey, Mohamed Dib, Jean Orizet, comptent parmi mes préférés.
J’ai été lauréat du prix littéraire du Conseil Général de la Haute-Marne en 1972.
En 1981, j’ai participé à la bibliothèque de Chaumont à la première fête nationale de la poésie initiée par Jack Lang.
Pendant 4 ans, de 1982 à 1986, j’ai participé à des récitals poétiques à la M.J.C. de Saint-Dizier. En duo, nous disions nos poètes préférés, entrecoupés de quelques uns de nous-mêmes. Nous ne manquions jamais de dire quelques poèmes de Louis Aragon, de Paul Eluard, d’Eugène Guillevic…des grands crus.
De janvier 1998 à août 2006, j’ai tenu une chronique poétique dans L’Affranchi, hebdomadaire d’informations locales de Chaumont. J’ai partagé mon goût de la poésie avec les Chaumontais et Chaumontaises à travers une rubrique régulière dans laquelle j’ai présenté plus de quatre cents poètes de tous horizons littéraires et de tous pays, connus et moins connus. La maxime du jour venait compléter cette chronique.
Hubert Haddad, écrivain-poète en résidence à la ville de Chaumont de 2003 à 2006, m’a interviewé à la librairie Apostrophes le 16 mars 2006, lors d’une soirée intitulée « poésie surprise ». Cela a été un échange de point de vue entre deux poètes qui avaient immédiatement sympathisé.
Aujourd’hui, à 83 ans, je n’écris plus de poésie…la voix venue d’ailleurs s’est tue…, mais la poésie fait toujours partie intégrante de ma vie.
3 – Œuvres
Les Saveurs oubliées.
– Limeray (13, rue de Blois, 37530) : Éditions syndicales, 1971. – [34] p. : ill., couv. ill. ; 21 cm.
Cendres :
roman. – Paris : la Pensée universelle, 1971. – 18 cm, 127 p.
Les Saveurs oubliées.
– Paris : J. Millas-Martin, 1972. – 19 cm, 48 p.
Aux amarres du silence.
– Paris : Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1974. – 35 p. ; 18 cm. – (Miroir oblique).
Trois recueils de poésie :
Matin sans Musique ; Pelouse de Lune ; L’Exil et pourtant
4 – Hommage
Hommage de la presse : L’Affranchi de Chaumont, hebdomadaire local
Quand il est mort le poète :
Jean Desseigne a tiré sa révérence, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. C’était un ami de l’Affranchi. Tout le monde l’appelait « le poète ».
Jusqu’à il y a trois ou quatre ans, on le voyait chaque matin arpenter le centre-ville pour faire quelques courses et se rendre au bistro où il aimait boire un verre et réciter des vers.
Que ce soit dans la rue ou au café, avec son humour grinçant et son esprit volontiers provocateur, il aimait engager la discussion. C’était un personnage haut en couleurs, anticonformiste qui amusait beaucoup ses interlocuteurs, même si son sens de la répartie pouvait aussi parfois les agacer. Cela faisait partie de son charme.
Amoureux et grand connaisseur de la poésie, Jean Desseigne était venu nous voir tout au début de l’année 1998 pour nous proposer de publier un poème chaque semaine : « j’en connais plus de dix mille, nous avait-il confié, je vous en sélectionnerai quelques-uns, sans rien demander en échange. Je fais ça pour la poésie. »
Pendant plus de huit ans, et sur quatre cent cinquante numéros, sans manquer une seule parution, il a ainsi tenu bénévolement et passionnément la rubrique « le coin du poète », très appréciée de nos lecteurs qui nous en parlent encore quelquefois.
Prenant son rôle très au sérieux, il se documentait, achetait ou empruntait des ouvrages pour pouvoir non seulement choisir un poème, mais aussi présenter en quelques lignes des auteurs français et étrangers parfois très méconnus.
Affranchi dans le domaine de la poésie et de la lecture
Jean Desseigne dont la principale activité professionnelle a consisté à vendre des ouvrages juridiques pour le compte des éditions Juris-classeurs, a lui-même écrit de la poésie tout au long de sa vie. (…) Et, de temps en temps, il présentait ses propres textes dans « le coin de poètes ».
Loin de son image d’amuseur public, la poésie de Jean Desseigne était pleine de sensibilité, de simplicité et de musicalité, à la portée de tout le monde. Avec parfois de la nostalgie, il parlait de l’amour, de la nature (« Je prends la forêt comme d’autres prennent la mer ») et du temps qui passe (« Le jeune homme courageux qui avait résisté à l’épreuve du sang, à l’épreuve du feu, n’a pas résisté à l’épreuve du temps »).
La rubrique était aussi agrémentée d’une « pensée de la semaine » comme celle-ci de Francis Scott Fitzgerald : « Quand je suis à jeun, je ne peux pas supporter le monde. Quand j’ai bu, c’est le monde qui ne peut plus me supporter ».
Grâce au succès de cette rubrique, Jean Desseigne a été mis à l’honneur lors du « Printemps des poètes » de 2006, les Silos (médiathèque de Chaumont) lui proposant d’animer une rencontre « poésie surprise » avec l’écrivain Hubert Haddad à la librairie Apostrophe. Hubert Haddad, à l’origine du salon du livre de Chaumont, qui écrira plus tard : « J’ai rencontré Jean Desseigne bien des fois à Chaumont, un verre à la main, au milieu des livres. Je le savais rédacteur à l’Affranchi, manière de Canard Enchaîné local. En argot, « être affranchi » c’est être initié, être dans le coup. Il y a des affranchis en tous milieux et pas seulement chez les larrons. Jean Desseigne le serait plutôt dans le domaine de la poésie et de la lecture. »