Jean Sire de Joinville (1225 – 1317)
Chroniqueur de Saint Louis
Sommaire
I – Lieux haut-marnais associés
II – Biographie
a) Enfance et formation
b) En croisade avec Louis IX
c) retour au pays et fin de vie
III – Œuvre
IV – Extraits sur la Champagne
Lieux haut-marnais associés
Joinville :
- Le site (vestiges), au sommet de la colline surplombant la ville, du château d’En-Haut, disparu à la Révolution après la vente de cette collégiale comme bien national. Il avait été construit par Etienne de Neufchâteau, fondateur de cette seigneurie au XIe siècle. Dans une chapelle de l’église Saint-Laurent de ce château, Jean de Joinville avait fait élever un autel consacré à Saint Louis. Il y mourut en 1317 et y fut enterré dans la chapelle Saint Joseph. Une statue de bronze a été élevée en 1861 pour rappeler son souvenir.
- La vieille ville : avec son dédale des ruelles étroites et ses maisons médiévales blotties contre la colline de l’ancien château féodal.
- L’auditoire avec l’évocation de Jena de Joinville
- Église Notre-Dame (XIIe – XIIIesiècle) et sa nef principale, un vitrail représentant Louis IX, le reliquaire, la ceinture « dite de Saint Joseph », exposée dans une chapelle latérale. Elle a été rapportée par Jean de Jopinville après son séjour en Egypte avec Louis IX. Il y avait rencontré Bohémond VI, prince d’Antioche et de Tripoli qui lui avait offert un fragment de la tête de Saint Etienne et la ceinture de Saint Joseph. La première est remise en 1309 aux chanoines de Châlons, la seconde aux chanoines de Saint-Laurent de Joinville.
- À l’intérieur du cimetière : la chapelle Sainte-Anne où sont enterrés les seigneurs et princes de Joinville, transportés là en 1792.
- Le fonds ancien à la mairie de Joinville avec une édition originale du texte de La Vie de Saint Louis
- Rue Aristide Briand : la statue et ses bas-reliefs
Tableau : reconstitution du « château d’en Haut » de Jean de Joinville
Clairvaux :
* l’église abbatiale où fut ensevelit Geoffroy III, sénéchal du comte Henri le Libéral, premier seigneur de Joinville à s’être illustré à la croisade. Sur le tombeau de son bisaïeul, Jean de Joinville fit mettre une épitaphe qu’il composa lui-même en 1311 pour retracer rapidement la généalogie des seigneurs de sa famille.
Blécourt :
* l’église : on pouvait encore voir des éléments des vitraux retraçant un « miracle » dont Jean de Joinville a été témoin pendant la septième croisade.
Autres lieux :
* L’abbaye cistercienne de Cheminon, et l’abbaye bénédictine de Saint-Urbain où Jean de Joinville se rendit en pèlerinage avant de se croiser. Il avait rapporté de sa croisade l’écu de son oncle, Geoffroy V, mort au Krak des Chevaliers et l’avait placé dans cette chapelle.
Châteauvillain :
* Jean 1er de Chateauvillain a accompagné Saint Louis dans sa septième croisade. Sa ville garde des rues médiévales et des vestiges de la porterie du château appelée « Tour de l’Auditoire » avec, à côté la « Cour de l’Auditoire », lieux d’expositions culturelles. Une fête médiévale y est organisée au mois de mai.
II – Biographie a) Enfance et formation
Fils deSimon de Joinville et de Béatrice d’Auxonne, Jean de Joinville appartient à une famille de la haute noblesse champenoise mais peu fortunée.
Il est né aux alentours du premier mai 1225. De sa jeunesse on ne sait pas grand chose sinon qu’il perd très tôt son père Simon et que sa mère exerce la régence en Champagne. La mort prématurée de son frère aîné Geoffroy vers 1232-1233 le met en possession de la seigneurie de Joinville ainsi que de la charge héréditaire de sénéchal de Champagne. Il atteint la majorité politique de quatorze ans (en 1239). Depuis 1230 il est fiancé à Alix de Grandpré et l’épouse en 1240. Il appartient à la cour de Thibaut IV, comte de Champagne où il se rend, à partir de 1241. Il reçoit une éducation de jeune noble : lecture, écriture, rudiments de latin. Il découvre des fastes inconnus. La fête à Saumur en Anjou pour célébrer l’adoubement du comte de Poitiers, le frère du roi, le marque particulièrement. C’est vraisemblablement à cette occasion qu’il voit Louis IX pour la première fois.
b) En croisade avec Louis IX
Lorsque le roi Louis IX, après un vœu prononcé pendant une grave maladie, part en croisade en 1248, Jean de Joinville décide de le suivre. Il n’est encore qu’un jeune homme, âgé de 23 ans et laisse son épouse et deux enfants. Sans doute cherche-t-il à être digne de ses cinq aïeux qui sont déjà allés en Terre Sainte ? Il engage une partie de ses terres pour payer neuf chevaliers et louer une nef.
Jean de Joinville aborde les côtes d’Egypte le 4 juin 1248, avec les premiers croisés, devant Damiette. Etant chevalier, il participe aux combats devant Le Caire et en face de la forteresse de Mansourah. Son œuvre relate les épreuves qu’il partage avec les autres croisés : les gardes de nuit dans les camps ; les terribles feux-grégeois qu’il compare à des dragons enflammés traversant le ciel avant de venir mettre le feu au camp des croisés ; les blessures des chevaliers et les plaies si douloureuses qu’ils ne peuvent plus supporter le contact des hauberts.
Jean de Joinville est fait prisonnier avec le roi et d’autres chrétiens, au cours de la retraite qui suivit la défaite de Damiette en 1250. Le 6 mai ils sont libérés contre une rançon énorme et rejoignent la ville d’Acre.
Jean de Joinville pousse le roi à rester en Egypte. Comme il a perdu, en plus de sept de ses chevaliers, l’intégralité de son trésor, le roi de France lui verse deux mille livres de rente annuelle afin de le retenir à son service. En avril 1253, Jean prête « hommage lige » au roi de France « contre tous, à l’exception de la fidélité due aux comtes de Champagne et de Bar ». Il s’entoure de compagnons, Champenois pour la plupart, et reconstitue autour de lui un important corps de bataille. Le jeune seigneur, si modeste auparavant, mène désormais grande vie. Il devient l’intime du roi, conversant avec lui, l’accompagnant dans ses expéditions, partageant son existence. Louis IX s’occupe alors de fortifier les places fortes au pouvoir des chrétiens, en particulier Sidon, Jaffa et Acre. Jean de Joinville revient en France en même temps que lui en avril 1254 et les croisés accostent à Hyères le 13 juillet 1254. Sa croisade et son séjour en Egypte ont donc duré de 1248 à1254 : une expérience inoubliable qui alimente l’essentiel de son œuvre littéraire.
c) retour au pays et fin de vie
De retour en Champagne Jean de Joinville s’applique à réparer les misères causées par son absence. Il vit tour à tour à Paris et en Champagne. En 1261, après la mort de sa première épouse, il se marie avec Alix de Reynel dont il aura quatre fils. En 1268, le roi part à une nouvelle croisade : Joinville, malade, refuse de l’accompagner malgré de fortes pressions du roi et du comte de Champagne. Il déclare que ses vassaux ont trop souffert de la première expédition et que le roi est trop faible pour repartir. Jean de Joinville a raison puisque cette huitième croisade, désastreuse, voit la mort du roi à Tunis en 1270.
Ce que nous savons de Jean de Joinville est donc intimement lié à Louis IX même après la mort du roi. À partir de 1271, la papauté mène une longue enquête à son sujet, ce qui aboutit à sa canonisation, prononcée en 1297 par Boniface VIII. Comme Joinville a été l’intime du roi, son conseiller et son confident, son témoignage en 1282 est très précieux pour les enquêteurs ecclésiastiques. Jean de Joinville continue à servir le roi de France jusqu’à sa propre mort, d’autant plus que celui-ci est devenu son suzerain direct depuis le mariage de la reine Jeanne de Navarre avec Philippe le Bel (1284)
En novembre 1314 cependant, Joinville adhère à la ligue de Champagne constituée pour protester contre la politique fiscale et financière du roi de France. La noblesse obtint satisfaction l’année suivante sous le règne de Louis X le Hutin à qui est dédié le livre principal de l’œuvre de Jean de Joinville.
Fin de vie
Jean de Joinville à soixante-dix-sept ans épouse en troisièmes noces Marguerite, fille d’Henri II, comte de Vaudrémont. Il meurt le 24 décembre 1317, âgé de plus de 93 ans, près de cinquante ans après le saint roi. Il est inhumé dans la chapelle Saint-Joseph de l’église Saint-Laurent du château de Joinville, dit « château d’en-haut » aujourd’hui détruit (ses restes sont transportés dans le cimetière de la ville à la Révolution). Ironie du sort et jeu des alliances, pour cet homme profondément attaché à sa Champagne natale : après sa mort, la maison de Joinville passe de la cour de Champagne à celle de Lorraine du fait de son dernier mariage et celui d’un de ses fils avec une nièce de sa troisième femme. Jean de Joinville a donc, pour descendant, Claude de Lorraine.
L’œuvre de Jean de Joinville
On connaît deux œuvres de Jean de Joinville :
L’une est peu connue. Il s’agit d’un petit ouvrage d’édification qui atteste la profondeur de sa foi et sa culture religieuse ; Il a été composé à Acre pendant l’hiver de 1250-1251 après son retour de captivité, intitulé Li romans as ymages des poinz de nostre foi. C’est un commentaire du Credo dont il n’existe qu’un seul manuscrit orné d’un cycle iconographique de vingt-six miniatures.
L’autre, par contre a fait la gloire de son auteur :
Jehan de Joinville est le chroniqueur et biographe du roi saint Louis. Le livre des saintes paroles et des bons faiz nostre roy saint Looÿs n’est pas un ouvrage historique dans le sens contemporain du terme ; plutôt un recueil de souvenirs qui met en valeur les vertus de son bien-aimé roi Louis IX. La biographie tend parfois vers l’hagiographie, non sans une certaine naïveté. La simplicité et la sincérité des propos, le ton familier qu’il emploie pour évoquer des scènes quotidiennes ou pour faire surgir des souvenirs personnels, font le charme de ce livre. Joinville y relate tout particulièrement les années qu’il passa en Egypte pendant la septième croisade. Il y raconte aussi les anecdotes dont il a été témoin et n’hésite pas à se mettre lui-même en scène et exprimer son vécu. Il esquisse ainsi son propre portrait : très pieux mais non saint, avec un esprit curieux, de l’indépendance et du franc parler. Il se livre avec des accents humains et touchants. Son attachement profond pour son pays natal, le royaume de France bien sûr, mais surtout pour la Champagne, donne l’une des clefs de cette subjectivité : avec Jean de Joinville, l’histoire du royaume de France et de la croisade à laquelle il a participée, sont inséparables de l’histoire de la Champagne.
La composition de la Vie de saint Louis est complexe car le récit ne suit pas la chronologie des événements. Il est conçu comme un triptyque : une première partie évoque les premières années du règne tout en ajoutant des exemples et anecdotes sur le roi afin de démontrer sa sainteté ; dans la partie centrale sont racontés le séjour outre-mer, la croisade malheureuse qui aboutit à la perte de Damiette et le rôle joué par le roi dans le royaume de Jérusalem ; enfin dans une dernière partie, Jean de Joinville mêle le récit des dernières années de son règne, sa mort, sa canonisation et des témoignages édifiants. Ainsi l’auteur de la Vie de saint Louis construit-il une image superbe de la sainteté du roi.
L’ouvrage a été composé par le sénéchal de Champagne à la fin de sa vie, à la demande de Jeanne de Navarre, reine de France, vers 1303. Mais elle meurt en 1305 avant que le livre soit achevé. Il est donc dédicacé à son fils, le futur Louis le Hutin en octobre 1309 et prend une dimension didactique : Jean de Joinville propose en exemple le récit du règne et de la vie de Louis IX à ses successeurs.
Extraits sur Joinville et la Champagne
Photo : vue de Joinville actuelle : le bief et le quai des Peceaux.
Le récit de Jean de Joinville ne prend pas de recul objectif. C’est dans ses perpétuelles digressions que l’on peut trouver des allusions à sa ville et ses environs.
Son départ pour la croisade : « L’abbé de Cheminon me donna m’escharpe et mon bourdon ; et lors je me partis de Joinville, sans rentrer au chastel jusques à ma revenue, à pié, deschaus et en langes ; et ainsi alai à Blehecourt et à Saint-Urbain, et autres cors sains qui là sont. Et endementieres que je aloie à Blehecourt et à Saint-Urbain, je ne voz onques retourner mes yeus vers Joinville, pour ce que li cuers ne me attendrisist du biau chastel que je lessoie et de mes deus enfans. »
Traduction depuis « et lors je me partis.. » : « Et alors je partis de Joinville, sans rentrer au château jusqu’à mon retour, à pied, sans chausses et la laine sur le corps, et j’allai ainsi en pèlerinage à Blécourt et à Saint-Urbain et aux autres corps de saints qui se trouvent là. Et tandis que j’allai à Blécourt et à Saint-Urbain, je ne voulus jamais retourner mes yeux vers Joinville, de peur que mon cœur ne s’attendrisse sur le beau Château que je laissais et sur mes deux enfants. » (§ 122).