Couverture : Peinture sur bois 175 x 122 mm de LESCURE
Collection de MFL
© Max-Firmin LECLERC 2013
Editeur : Editions VOolume
5 rue du Poteau des 3 Seigneurs
78120 RAMBOUILLET
ISBN 978-2-36406-027-2
Max-Firmin Leclerc
Le CAP
des
NONANTE
DU MÊME AUTEUR :
Recueils de poèmes,
Contes dans différents journaux.
***
La République du Mépris (1975)
réédité en 2010 sous le titre :
La République du Mépris
ou
Le Cimetière des Crabes
(Editions du Masque d’Or)
Roman-pamphlet sur la Télévision.
***
Le Cap des Trente
(poèmes)
(Editions Plénitude)
Grand Prix de Poésie Wilfrid Lucas 2011
de la
Société des Poètes et Artistes de France.
***
Le Démon de Vingt-trois Heures
(Roman)
(Jelivremonhistoire.éditions)
Prix « Goutte d’Encre ››
de l’Association REGARDS de NEVERS,
GRAND PRIX 2012
et Premier Prix du Roman
au Onzième Grand Prix Roussillonnais
des Ecrivains.
***
Site Internet :
http://sites.google.com/site/maxfirminleclerc/
À la mémoire de mes parents,
Roberte, mon épouse depuis 1948,
À Patrice, notre fils
À David et Matthieu, nos petits-fils,
PRÉFACE
LE CAP DES NONANTE est une signature optimiste du riche parcours de la vie de Max-Firmin Leclerc.
Après un recueil à succès d’un temps qui n’est plus, intitulé « LE CAP DES TRENTE ››, après d’autres poèmes, pamphlets et romans, qui lui ont valu d’être récompensé régulièrement, il fait ici le constat, le bilan, exprime ça et là quelques regrets d’une réalité présente dans son recueil de poésie.
Le Cap des Nonante propose une lecture joyeuse et pertinente de sa durée de vie. ll nous dit :
J’ai vu naître des voies lactées
Et poindre des milliers d’aurores,
Et mourir des milliers de nuits.
J’ai vu des méchants et des bons,
Filmé des pauvres, des ministres,
Glané des souvenirs multiples…
J’ai lancé des millions d’images,
En noir et blanc, puis en couleur…
Et j’ai planté plus de mille arbres…
Au temps de ma jeunesse morte,
J’ai écrit deux milliers de vers… (Semeur d’étoiles)
À bientôt quatre-vingt-dix ans, il a parcouru la France tant pour le besoin de son travail, que pour les impératifs de la vie. Mais c’est dans son petit bois, niché en Haute-Marne, que ce natif de Saint-Dizier souhaite que l’on disperse ses cendres :
Et sur ce petit bois
Flottera pour toujours
Un air d’éternite. (Le petit bois).
Homme de télévision et d’images, Max-Firmin LECLERC reste concerné par 1’actualité, sa violence et son absurdité.
Il est aussi affecté par 1’effacement de la langue française au profit de l’ang1ais qui impose un vocabulaire surprenant avec ses Twitter, Wifi, Podcast, Ipad et consort.
Mais son chant résonne du temps passé, comme celui de l’enfance :
Les trains, tortillards de campagne,
Les rudes banquettes en bois,
Les escarbilles dans les yeux,
L’odeur des œufs durs du voyage… (Enfance)
Les souvenirs des écrivains Haut-Marnais sont un témoignage de son attachement à ses racines. Mais son énergie se retrouve dans sa grande taille, son caractère et ces quelques vers :
« Oui j’ai vu la camarde
Vêtue de blouse blanche,
Armée avec sa faux,
Tournoyant tout autour
De mon lit d’hôpital…
Je lui ai dit : Va-t-en…
Tu t’es gourée de chambre… » (La camarde)
Poète rebelle et sympathique, Max-Firmin LECLERC est un des pionniers des premières heures de la télévision française (RTF, puis ORTF). Il a fait le tour des choses humaines et en témoigne dans un style libre, où les mots prennent sens pour traduire en images ses sentiments.
Le chant de sa poésie nous berce avec bonheur.
Abraham Vincent VIGILANT,
Président de la Société des
Poètes et Artistes de France
SEMEUR D’ÉTOILES
Ah ! Qu’il est loin le Cap des Trente !
À l’horizon s’annonce
Le Cap des trois fois trente…
Ou le Cap des Nonante…
Le sablier de Vie
Coule ses derniers grains…
La Camarde aiguise sa faux…
Je ne connais le lieu, ni l’heure…
J’ai vu naître des voies lactées
Et poindre des milliers d’aurores,
Et mourir des milliers de nuits.
J’ai vu des méchants et des bons,
Filmé des pauvres, des ministres,
Glané des souvenirs multiples…
J’ai lancé des millions d’images,
En noir et blanc, puis en couleur…
Et j’ai planté plus de mille arbres…
Au temps de ma jeunesse morte,
J’ai écrit deux milliers de Vers…
Un jour, un soir, je vous dirai
Où Vous irez semer mes cendres
Amis, je sais un coin de lande.
Une lande où poussent le pin,
Le romarin, et l’herbe folle,
Aussi le thym et l’asphodèle…
Là, vous sèmerez mes regrets
De ne pas avoir réussi
À devenir, même un seul jour,
Un poète-semeur d’étoiles…
Noël 2010
Publié dans
L’Anthologie 2011 « Horizons »
de l’Atelier de Poésie de Cognac
UN RÊVE
À mes nouveaux amis de la SPAF
Rencontrés au Congrès de YENNE (Savoie)
Revenant dans un train,
Sans fumée, sans panache,
D’un Congrès de Poètes,
J’ai rêvé cette nuit
Des vaches de Savoie
Qui lançaient par leurs cornes
La fumée nostalgique
Que crachaient autrefois
Les noir’s locomotives
De nos trains de campagne…
27 septembre 2011
Publié dans
« Art et Poésie »
N’ 218. Avril 2012
LE MIROIR
Nous gravirons ensemble,
Heureux, main dans la main,
Le dernier raidillon. ..
Qu’y a-t-il au sommet ?
Tu ne crois pas au ciel,
Mais à l’éternité…
Moi, je doute,… je doute
Ya-t-il un après ?
Espoir d’une autre vie,
Surprise inattendue,
Ou néant éternel ?
Nous retrouverons-nous
Au-delà du miroir ?
Miroir aux alouettes,
Ou miroir de l’espoir
Pour nos deux cœurs aimants
Nos cendres épandues
Sur la lande accueillante,
Pourrons-nous tous les deux
Traverser le miroir ?
04 octobre 2011
CHANSONNETTE
Ce sont les cavaliers du roi
Qui courent, qui courent,
Ce sont les cavaliers du roi
Qui chantent, qui chantent,
Ce sont les cavaliers du roi
Qui boivent, qui boivent,
Ce sont les cavaliers du roi
Qui dansent, qui dansent,
Ce sont les cavaliers du roi
Qui aiment, qui aiment,
Ce sont les cavaliers du roi
Qui meurent, qui meurent,
En chantant,
Pour le roi…
Octobre 2011
LE CAP DES NONANTE
Le capitaine est vieux,
Il a la barbe blanche…
Ses rides sont profondes,
Sa voix mal assurée…
Pourra-t-il gouverner
Jusqu’au Cap des Nonante ?
Les coups durs, les coups bas
Ne l’ont pas trop marqué.
Il a pu résister
Aux folies du destin…
Il a vécu sa vie
Avec philosophie.
Après tant de longs jours,
A l’horizon paraît
Le Cap flou des Nonante
Dans la brume du temps,
Cap Horn infranchissable…
C’est moi le capitaine
De mon propre navire,
Mon navire fantôme
Voguant vers l’inconnu…
Pénétrerais-je un jour
Les mondes invisibles ? Octobre 2011
ÉCRIVAINS HAUT-MARNAIS
Qui se souvient de vous,
Écrivains haut-marnais,
De naissance ou séjour,
Qui peuplez ma mémoire ?
Quelques mots oubliés,
Repris par d’autres bouches…
Et voici, pêle-mêle :
Sieur Edmond Haraucourt
Le natif de Bourmont :
Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime.
Voici André Theuriet
Et les bois d’Auberive :
Brin d’Osier, brin d’Osier,
Courbez-vous assouplis
Sous les doigts du vannier…
Du dévot Paul Claudel,
Disciple comme moi
Du Collège à Wassy :
Seule la rose est assez fragile
Pour exprimer l’éternité…
Du Général de Gaulle,
Hôte de Colombey :
Regardant les étoiles,
Je me pénètre
De L’insignifiance des choses…
De Roger Clérici,
Sis à Coiffy-le Haut :
Mais en ce découvert de nos astres,
A quoi bon remuer la cendre…
Du discret Paul Chaulot,
Né à Lanty-sur-Aube :
Le pays d’où je viens
N’est d’aucune mémoire…
Voici Louise Michel,
Dite la Vierge rouge,
Née à Vroncourt-la-Côte :
La mort comme un berger
Qui compte son troupeau…
Et André Fontanel,
Oublié de nos jours :
Je guettaís, écrasant
Des rêves sur ma tempe…
Les deux frères Goncourt,
De leur Académie :
Tout homme de lettres
Est a vendre…
Aussi Bernard Dimey,
Nogent-en Bassigny :
J’aimerais tant voir Syracuse
Pour me souvenir å Paris…
Il y en a tant d’autres :
Jean-Gabriel Gigot,
Fondateur des Cahiers,
Et puis Jean Robinet,
Poète et paysan,
Et Jehan de Joinville,
Chroniqueur valeureux
De la vie de Saint-Louis,
Et Denis Diderot,
Illustre enfant de Langres,
Et, peut-être, Voltaire,
Réparant à ses frais
Le Château d’Emilie,
Près de Cirey-sur-Blaise…
Nostalgie, temps enfui…
Et moi, pauvre bragard,
Natif de Saint-Dizier,
Dans ma poèmeraie
Restera-t-il deux vers
Que diront des quidams
Sans connaître l’auteur ?
Octobre 2011
QUI L’EUT CRU ?
Ce Monsieur si poli,
Patron du F.M.I…
Qui l’eût cru, lanturlu ?
Ce Monsieur bedonnant,
Jouant les Don Juan,
Courait la pute et la soubrette,
Fréquentait le Bois de Boulogne
S’adonnait aux fines parties,
Et partouzard et dépravé,
Marchait à voile et à vapeur…
Coq arrogant sur son fumier,
Puant, orgueilleux et pédant,
Qui voulait être Président…
Qui l’eût cru, lanturlu ?
Un Monsieur si poli,
Patron du F.M.I…
Octobre 2011
PETIT TOUR DU MONDE
Non, je n’irai jamais
A Nijni-Novgorod,
Je ne gravirai pas
Le Kilimandjaro,
Je ne roulerai pas
Dans le noir Lesotho,
Je n’irai pas grimper
Sur le Fujiyama,
Je n’irai pas camper
Devant Fukushima,
Je ne coucherai pas
Au pied de l’Hindou Kouch
Je ne mangerai pas
Du pain d’îles Sandwich,
Je ne chercherai pas
L’or du Saskatchewan,
Je ne nagerai pas
Dans le Titicaca,
Je ne subirai pas
Le Popocatépelt,
Je ne pêcherai pas
Dans le Massachusetts,
Je ne chasserai pas
Le loup au Kamtchatka,
Je n’arpenterai pas
Le désert de Gobi,
Je ne connaitrai pas
Nabuchodonosor,
Je ne vieillirai pas
Avec Mathusalem,
Je ne danserai pas
Avec Néfertiti,
Quant à l’Ouzbékistan,
Ou au Turkménistan,
C’est bien trop loin pour moi…
Je me contenteraí,
Dans un fauteuil moelleux,
De regarder le soir
A la télévision,
Des programmes miteux,
Voire calamiteux !…
15 novembre 201 1
Publié dans
L’Anthologie 2012 « Traces »
de l’Atelier de Poésie de Cognac
REGARDS – N°52 – Janvier 2013
NAFISSATOU
Son nom a résonné
Dans les télés du monde,
Victime d’un satyre :
Nafissatou Diallo.
Elle nous a sauvé
D’un être répugnant,
D’un président pourri,
Elle a changé le sort
De notre République…
Nafissatou Diallo.
Et je voudrais qu’un jour,
En rite expiatoire,
On dresse une statue
Ala soubrette noire :
Nafissatou Diallo !
Juillet 2011
MORALITÉ ;
(10 Décembre 2012). Il n’y a pas de moralité dans cette histoire. DSK a
payé des millions de dollars pour être blanchi « aux Etats-Unis »…
Mais il ne sera jamais Président de la République.
Nafissatou a encaissé les millions et ne participera pas à l’érection de sa
statue. Mais elle est certaine d’avoir vu d’autres érections.
ENFANCE
Raconterais-je mon enfance,
Ce passé à jamais perdu ?
Apparaît en images grises :
Le très vieux village endormi,
Dans la fumée bleue de l’hiver…
Autour de la petite église,
Le cimetière avec ses tombes :
Là reposent tous mes ancêtres…
La chambre à four de ma grand-mère,
Le four où séchaient les pruneaux,
Où cuisait le pain du ménage…
La calèche de mon grand-père,
Brimbalant sur la route blanche,
Et le trot joyeux du cheval…
La coupe du bois d’affouage
Dans la forêt avec mon père,
Et les grillades sur la braise
Dans la senteur des feux de bois…
Raconterais-je mon enfance,
Ce passé à jamais perdu ?
L’étouffant dortoir du collège,
Les professeurs très rigoureux,
Le latin, les mathématiques :
Je ne veux pas m’en souvenir…
Je préfère me raconter :
Les trains, tortillards de campagne,
Les rudes banquettes en bois,
Les escarbilles dans les yeux,
L’odeur des œufs durs du voyage…
Les charrettes chargées de foin
Qui cahotaient sur les chemins
En descendant la Côte aux chèvres…
Du Vendredi Saint, les crécelles,
Quand les cloches étaient à Rome.
Le ruisseau tournant les moulins :
Des bouts de bois de noisetier,
Bricolés par nos mains habiles…
Et les pêches miraculeuses
En braconnant les écrevisses…
Raconterais-je mon enfance,
Ce passé à jamais perdu ?
3 décembre 2011
Publié dans
« Le Moulin de Poésie » N°44 – Automne 2012
« 1’Anthologie Terpsichore » – Novembre 2012
« La Licorne d’Hannibal ›› N°30 – Novembre 2012
LE PETIT BOIS
Et si je souhaitais
Qu’on épande mes cendres
Au sein du petit bois
De mon champ d’héritage,
Niche en Haute-Marne,
Non loin de ce village,
Source de mes aïeux… ?
Quand je ne serai plus
Qu’un vague souvenir,
Puis l’absence éternelle,
La Vie continuera :
Le lapin de garenne
Gambadera dans l’herbe,
Les gentilles abeilles
Butineront les fleurs,
Et le merle joyeux
Sifflera sa romance…
Alentour passeront
Les jours et les saisons,
Les labours, les semailles,
Les moissons, et 1’hiVer…
Et sur ce petit bois
Flottera pour toujours
Un air d’éternité…
08 mars 2012
Publié dans
LE MAG du Journal de la Haute-Marne le dimanche 1er juillet 2012
COLÈRE
(A)Ipod, (a)Ipad,
Twitter, Wifi, smartphone,
Podcast, coming (a)out…
Showbizz, (niouz), prim’ t(a)ïme !
Moi, je suis du siècle dernier,
Quand on parlait encor’ français…
Podcast, showbiz, ou prim’ t(a)ïme !
Ces mots envahissent la France :
(A)Ipod, (a)Ipad : la frime !…
Et le fameux 1 « coming (a)out »
Puis-je dire, avec élégance,
Que vous me gonflez la biroute ?
Quitte à passer pour un vieux con,
J’ose employer des mots français…
J’explose de colère :
Je ne supporte plus
Votre affreux Volapük.
(A)Ipod ! (A)Ipad !
Je vous « touite » : (A)Imerde !
Mars 2012
L’HORLOGE FATALE
Quand nous serons bien vieux,
Le soir au coin du feu…
Mais nous sommes bien vieux,
Et pas au coin du feu…
Simplement des fauteuils
Devant une télé
Qui radote en images…
Et je vois ton visage,
Ridé par les années,
Et tes cheveux blanchis,
Et je vois ton sourire…
Nous nous donnons la main
Comme des vieux enfants…
Et pendant ce temps-là,
Le balancier de cuivre
De l’horloge fatale
Nous compte les minutes
Ir-ré-mé-dia-ble-ment…
Avril 2012
PERDUS
Perdu, comme le pain
Oublié dans la maie,
Perdu, comme la salle
Où se croisent des gens
De leurs pas inutiles,
Perdu, le jeune temps
Des années enfantines,
Perdue, cire liquide
Coulant l’objet de bronze,
Perdu, l’argent du jeu
Que l’on ne comprend pas,
Perdu, le pays d’où
L’on ne revient jamais,
Tous les perdus de vue
Et les perdus de vie,
Perdue, la sentinelle
Dans le brouillard glacé,
Perdu, le chien errant
Chasse à coups de botte,
Perdue, la balle aveugle
Massacrant l’innocent,
Perdu, le paradis
Qu’on nous avait promis,
Et perdue la bataille
De la Vie éternelle,
Oui, perdue… fors l’honneur.
Avril 2012
LÉGION D’HONNEUR…
Quand je sais que mon père,
Médaille militaire,
Croix de guerre avec palmes,
Quatre ans dans les tranchées
De l’effroyable guerre,
A attendu trente ans
Pour avoir le ruban
De la Légion d’honneur…
Alors que maintenant,
Les frappeurs de ballon,
Les gens de la pédale,
Les gueulards de chanson,
Les copains des ministres,
Les pâles journaleux,
Les brosseurs à reluire,
Ou mâles ou femelles,
Arborent la rosette,
Je t’appelle au secours 1
« Reviens, Napoléon,
Confisquer ton hochet,
Trucider ta breloque ! ».
06 juin 2012
NOUVEAU FRANGLAIS
Conjugaison :
Je tweete ou touite,
Tu tweetes ou touites,
Il ou elle tweete, ou touite,
Nous tweetons ou touitons,
Vous tweetez ou touitez,
Ils ou elles tweetent ou touitent
Exemple pour entrer dans la
« twittosphère »…
Mon « Serment » de juillet,
Signé : Valérie T.
François m’a disputée
Pour mon touite incongru,
J’ai promis, j’aí juré :
Je ne touiterai plus…
S’il fallait que je touite,
(ou mieux : que je touitasse !),
Je dis que ce serait
Après avoir tourné,
Au moins sept fois de suite,
Mon pouce en eau bénite…
Juillet 2012
PÉRÉGRINATION
Haut-marnais de naissance
Et d’antique ascendance,
Meusien d’infortune,
Marnais de mariage,
Parisien de travail,
Et Marseillais promu,
Puis retour à Paris,
Toulousain de destin,
Ariégeois de cœur,
Catalan sans frontières
Fixé en Roussillon…
Vue sur le Canigou,
La montagne sacrée.
Que cette liste est longue
Pour ma très longue vie…
Et ce n’est pas fini :
Pour refermer la boucle,
En cendre transmuté,
Je ferai le voyage,
Jusqu’à ce petit bois
De ma terre haut-marnaise
Où les deux séquoias
Seront nos sentinelles…
Août 2012
POUR CEUX QUE J’AIME
Tombe la froide nuit
Sur ma très longue vie…
Je ne veux pas de tombe…
Je ne pourrirai pas
Sous la pierre tombale.
Je ne donnerai pas
Mon corps aux asticots.
Vous ne pourrez jamais
Venir vous recueillir
Dans un laid cimetière…
N’ayez pas de regrets,
Selon ma volonté,
Mes cendres danseront
Au gré du vent complice
Dans mon bois haut-marnais…
Mais mon esprit, mon âme ?
MAIS… SI…
Si l’esprit ne meurt pas…
La Vie après la mort,
Est-elle une légende ?
Et la métempsychose,
Je n’y crois pas non plus…
Si 1’esprit peut voler
A travers l’univers,
Si mon esprit survit,
Libre de voyager…
Invisible gardien,
Je serai près de vous
SI… ?
1er juillet 2012
CROCODILES
Un crocodile est mort !
Stupeur chez les reptiles,
Panique au marigot :
La gent crocodilesque
Se croyait immortelle…
Ne pensant qu’à leur peau,
Et à leur propre mort,
Les voilà qui vagissent,
Pleurent, et versent des…
Larmes de crocodiles…
Lugubre mélopée,
Ces sanglots des crocos
Sur l’écran-marigot…
24 août 2012 (annonce du décès d’une
« prétendue vedette » de la Télévision).
Publié dans
« La Licorne d’Hannibal » N°30 – Novembre 2012
2013 : ANNÉE DES NONANTE
Quand rougira l’automne
Avec ses feuilles d”0r,
Je franchirai, léger,
Le cap gris des Nonante.
Alors je gravírai
Une autre décennie,
Vers les cent ans chantés
Dans un autre poème.
Et moi qui ai subi
L’occupation, les guerres,
Hitler, Laval, Pétain,
Deutschland über alles,
Maréchal nous voilà,
La peur, le froid, la faim,
Et les rutabagas…
Je subirai encore
Au moins deux Présidents,
D’autres cours jacassantes,
Des ministres-grenouilles,
Qui nous concocteront
D’autres lois scélérates…
Et malgré tout cela,
Je suis un optimiste,
Et je vis, …donc j’existe
Août 2012
LA CAMARDE
Oui, j’ai vu la Camarde,
Vêtue de blouse blanche,
Armée avec sa faux,
Tournoyant tout autour
De mon lit d’hôpital…
Je lui ai dit : « Va-t-en,
Ce n’est pas encor’ l’heure :
J’ai un bail de cent ans,
Tu t’es gourée de chambre…
Elle s’est excusée,
Elle a caché sa faux,
Puis a tourné le dos.
A ce moment précis,
Je me suis dédoublé,
Et mon fantôme-astral
Lui a botté les fesses…
Prémonition : 9 septembre 2012
CHANGEMENT DE VIE
Je vivais bien tranquille,
M’approchant des nonante
Et j’apprends que j’ai un cancer,
Un petit rongeur silencieux
Qui me grignote l’estomac…
Sans le moindre symptôme,
Et sans la moindre alerte,
Le verdict est tombé :
Adénocarcinome !
Joli nom pour un traître !
La guerre est déclarée :
On va le charcuter,
On va le trucider,
On va le crémater,
Afin qu’il disparaisse
À jamais de mon corps :
La vie triomphera…
Octobre 2012
Publié dans
« ART ET POÉSIE » N°221 _ Janvier 2013
EUTHANASIE = BELLE MORT
Vous, les faiseurs de lois,
Vous, Président normal,
Vous, ministres peureux,
Vous, députés piteux,
Vous, penseurs bien pensants,
Vous, curés rétrogrades,
Vous, experts combinards,
Vous, chercheurs sans trouvailles,
Vous usurpez nos droits.
Vous qui nous condamnez
A la Vie grabataire,
Pour gagner quelques jours
D’une vie de patate,
– Soins palliatifs, vous dites -,
Vous usurpez nos droits
De mourir dignement.
Quand la bête puante
Rongera mes entrailles
Me faudra-t-il choisir
Le poison, la noyade,
Le fusil ou la corde,
Tous moyens répugnants ?
Je choisis la mort douce :
Je quitterai la geôle
De mon pays-prison,
Je partirai en Suisse,
Et, dans la dignité,
Je franchirai la ligne
De l’au-delà secret…
2 octobre 2012
* « Palliatif » de pallier : dissimuler sous une apparence spécieuse.
« Spécieux » : qui n’a qu’une belle apparence, qui est destiné à induire en erreur avec une apparence de vérité. (Dictionnaire Le Robert)
Publié dans
« Le journal de 1’ASSOCIATION pour le Droit de Mourir dans la Dignité ››
N°123 – Décembre 2012
AUX PÈLERINS DE COLOMBEY
Près de l’église basse et grise,
Devant l’humble et froid cimetière
De Colombey-les-Deux-Eglises,
Voici la sobre tombe blanche
Du « plus illustre des Français ».
Pèlerins qui vous recueillez
Devant défunt Charles de Gaulle,
Vous foulez l’ancienne poussière
De mes ancêtres maternels.
Laboureurs, admodiateurs,
Ils vécurent dans ce village,
Ils ont façonné ce pays,
Travaillant cette terre ingrate.
Petites gens du peuple,
Ils ont subi les guerres,
Ils ont connu la faim,
Les longs hivers glacés,
Sous Louis, le « roi-soleil »,
Sous Louis, le « bien aimé »,
Sous le malheureux Louis,
Dont on trancha la tête,
Sous la Révolution,
Et sous Napoléon
Qui fit de ces manants
Les Grognards de l’Empire.
Vous, pèlerins d’un jour,
Pensez avec respect
Aux siècles de poussières,
Que vous foulez aux pieds…
2 décembre 2012 (anniversaire d’Austerlitz)
CODICILLE
La Vie a triomphé,
Un chirurgien adroit
A extirpé l’intrus,
L’adénocarcinome,
Ce vampire assassin
Qui me suçait le sang.
Et le Cap des Nonante,
Dans la nouvelle année,
S’éclaire à l’horizon
Des couleurs d’arc-en-ciel
Quelques mois de soleil,
Et je le franchirai,
Optimiste, toujours…
Mais la vie en jachère..
2 janvier 2013
FINAL
Au temps des fiançailles,
J’avais écrit deux vers :
« Notre amour sera beau,
Parce qu’il est unique ».
Vraiment, il fut unique
Tout au long de nos vies
De chemins rocailleux,
Mais souvent de ciels clairs…
N’aie pas peur de la mort
Nous avons bien vécu.
Notre histoire s’achève,
Dans un mois, dans un an,
Davantage peut-être…
La fin sera la même :
Selon notre souhait,
Nos cendres mélangées,
Dans un amour ultime,
Seront disséminées
Entre les séquoias
Au cœur du petit bois,
Et dans ce lieu vivra
La légende éternelle…
29 janvier 2013
VISITE FUTURE
Si vous venez vous recueillir
Sur le parterre d’herbes folles,
Entre les sentinelles Vertes
Et le rocher du souvenir,
A l’ombre de ce petit bois
Ceinture de colza doré
Ou de sillons de labourage,
Dans la nuitée de notre absence,
J’aimerais pouvoir vous offrir
Une branche en forme de cœur,
Un parfum délicat de mousse,
Quelques chants d’oiseaux insolites
Ou des poèmes-feux-follets…
8 février 2013
Une soixantaine
D’années auparavant
Quelques poèmes extraits du recueil
« LE CAP DES TRENTE »,
Grand Prix de Poésie Wilfrid Lucas 2011,
Couronné par la Société des Poètes
et Artistes de France.
Poèmes choisis et publiés dans
des revues littéraires ou poétiques.
PLUIE SUR LE RHIN
Pluie sur le Rhin. Pluie dans mon cœur. Pluie sur la terre.
La pluie tombe, il fait froid malgré le mois de mai.
La pluie tombe, il fait froid et je maudis la guerre
Qui m’a conduit si loin de tout ce que j’aimai.
Pluie sur le Rhin. Pluie dans mon cœur. Quelle tristesse !
Le ciel est gris de fer… La pluie tombe toujours
Guerre imbécile ! Ah ! Je regrette ma jeunesse
Qui se dissipe goutte à goutte…au fil des jours…
Pluie sur la terre. Deuils. Ruines. Larmes de mère…
Mais bientôt le soleil viendra,
Demain la paix refleurira,
Et sur le Rhin, et dans mon cœur, et sur la terre…
Strasbourg, Port du Rhin, Mai 1945
Publié dans
« ART et POESIE de TOURAINE »
N°204 Printemps 2011
NE REGARDE PAS LE PASSÉ
Ne regarde pas le passé !
Ne reviens jamais en arrière !
Laisse dormir sous la poussière
Tout ce que le temps a glacé.
Le souvenir est insensé
Et notre âme est aventurière.
Ne regarde pas le passé !
Ne reviens jamais en arrière !
Quelque sentiment effacé
Pourrait retrouver la lumière :
Il est sans doute une matière
Qui ferait naître le regret :
Ne regarde pas le passé !
13 juin 1946
Publié dans
« ART et POÉSIE de TOURAINE »
N°204 Printemps 2011
L’ALCÔVE DU COUCHANT
À Fred Bourguignon,
Bien amicalement,
La déesse du soir,
rose dans sa robe cuivre,
a dénoué lentement
ses flots de cheveux roux,
Ensuite s’est retirée
dans son alcôve du couchant,
dont elle a fermé les rideaux
coupés dans la soutane
d’un évêque…
Alors, paisiblement,
les nuages moutonneux
sont venus brouter à ses pieds
Et les vertes quenouilles
des grands peupliers d’Italie,
qui s’ébrouaient sous le vent,
ont chatouillé de leur cime
le ventre des nuages,
Mais la nuit a coiffé la terre
de son bonnet de laine,
pour cacher aux humains
les noces fantastiques
des nuages-moutons
qui se hurtebillaient…
29 mai 1950
Publié dans
« TERPSICHORE » N°66 – Mars 2011
« LETTRES et ARTS SEPTIMANIENS » N°127 – Janvier 2012
« LA PLUME et LE PINCEAU » N°39 – Juin 2012
CRÉPUSCULE
Sur les collines bleu de nuit,
Des nuages gris s’effilochent
A l’horizon lavé, sans bruit,
Sur les collines bleu de nuit…
Dans le crépuscule fortuit
S’est endormi le son des cloches.
Sur les collines bleu de nuit
Des nuages gris s’effilochent…
Publié dans
Anthologie 2011 « HORIZONS »
de l’Atelier de Poésie de Cognac
« LE MOULIN DE POÉSIE » N°19 – Août 2011
GARE NOCTURNE
Rouges, blancs, verts, violets, oranges,
Ruissellent sur les quais mouillés
Avec des flamboiements étranges :
Rouges, blancs, verts, violets, oranges…
Les feux des signaux se mélangent
Et guident les trains enfumés,
Rouges, blancs, verts, violets, oranges
Ruissellent sur les quais mouillés.
Publié dans
« LE DÉVORANT » N°253 – Mai-Juin 2012
AUBE
Les cris du coq ont éveillé
Cette aube orangeâtre et Îívide
Au levant difforme et brouillé :
Les cris du coq ont éveillé
Ce jour sale, gris, dépouillé,
Ces vapeurs d’acier translucide :
Les cris du coq ont éveillé
Cette aube orangeâtre et Îívide.
Décembre 1947
Publié dans
« LE MOULIN DE POÉSIE » N°19 – Août 2011
HORLOGE
L’indolent et lourd balancier
Berce minute après seconde.
Quel impitoyable coursier,
L’indolent et lourd balancier
Dont chaque regard familier
– Reflet de cuivre – emporte un monde !
L’indolent et lourd balancier
Berce minute après seconde.
Janvier 1948
Publié dans
« LE MOULIN DE POÉS1E » N°19 – Août 2011
AURORE
Flavescente clarté :
Aurore !
Lumineuse beauté
Qui dore
L’horizon velouté.
Une hirondelle trisse,
Tout bas,
Et plane, et rame, et glisse
Un pas,
Léger, sur l’herbe crisse…
Ô le pas du matin
Caresse
La jonquille et le thym.
Jeunesse
Du ciel adamantin.
L’aiguail, perle, reflète
Le jour
Dans la mousse discrète…
D’amour
Turlute une alouette.
Lumineuse beauté
Qui dore
L’horizon velouté :
Aurore !
Flavescente clarté !
Mars 1948
Publié dans
« LE MOULIN DE POÉSIE » N°42 – Août 2011
ÊTRE UNIVERSEL
Être universel !
Tout Voir ! Tout entendre !
Tout sentir !
Être cette fleur qui naît
D’un souffle de Vent !
Être ce vent même !
Caresser les bois profonds
Et danser sur les herbes folles !
Connaître toutes les vies !…
Être une hirondelle
jouant avec les nuages !
Un épi parmi les épis
dans les champs dorés qui moutonnent !
Un arbre
frémissant de toutes ses feuilles,
où les petits oiseaux viennent se reposer !
Un rocher solitaire
qui surplombe la plaine amie !
Un rayon de soleil
rebelle, vrillant les nuages !
Une source jaillissante
qui désaltère la soif de la terre !
Être tout ce qui vit,
et tout ce qui respire…
Être universel !
Mars 1950
Publié dans
« PORTIQUE » N°82 – Octobre 2011
« LE MOULIN DE POÉSIE› » N°43 – Mars 2012
CROQUIS DE CANICULE
Air fondu, visqueux,
Chaleur qui coule
du cratère céleste,
Horizon bouillonnant,
plein de vapeurs rouges.
Nuages fouettés
de neige et de lave
et saupoudrés de fleur de soufre.
Ondoiement de la vie
sous l’atmosphère d’eau.
Frétillement des feuilles des saules
qui retournent leur ventre blanc
comme des ablettes en folie.
Rotation mécanique
de pendentif
des feuilles des peupliers.
Roseaux qui tremblent
avec une tristesse d’algues.
Surdi-mutité
de la profondeur sous-marine.
Et le marcheur infusé progresse
avec des mouvements de scaphandre
Juillet 1950
Publié dans
« LE MANOIR DES POÈTES » N°19 – Année 2011
« REGARDS » N°47 – Octobre 2011
PASSAGE DU TRAIN
Voie ferrée…
Ballast extirpé
du règne minéral.
Traverses transpirantes
de créosote noire.
Rails conducteurs
de joie, de vie, de mort.
Sillon désertique
sur la plaine versicolore.
Et les herbes vivantes,
coquelicots et marguerites,
mélilots et bleuets,
amicales fleurs des champs
qui panachent les talus…
Mugissement strident :
Le train monstrueux fonce
et dodeline
sa crinière de fumée blanche.
Les herbes se courbent :
Désir aiguillonné de partir,
de suivre ce train,
d’arracher leurs racines à la terre
qui les emprisonné…
Au lointain, le tunnel
absorbe le serpent noir et l’étouffe
A nouveau, le silence,
Et les herbes qui se balancent
avec un petit air boudeur…
22 juillet 1950
Publié dans
« LE MOULIN DE POESIE » N’42 _ Août 2011
NEIGE SUR LA VILLE
À Jean-Gabriel Gigot,
Amicalement,
La muraille de nuages
se lézarde vers l’aurore.
Pâteux, le sang du soleil
vient de sourdre
et de se figer dans un rire
sur la lèvre de la crevasse.
Le premier faisceau de rayons
caresse le hennin d’ardoise
de la tour.
Puissante, elle crispe
ses racines de rues
dans le cœur de pierre
de la cité.
Alors, sans bruit, la neige pure,
envahit les toits de la ville
et s’efforce de submerger
le flux et le reflux des hommes,
Mais la terre,
surchauffée de haine et de crime,
transforme en boue
la manne purificatrice…
Janvier 1951
Publié dans
« L’EMPREINTE ORANGE » N°150 – Hiver 2012
LA PAGE BLANCHE
Combien de poèmes
engloutis
par l’ingrate mémoire ?
Combien de poèmes
ne connaîtront pas
la joie de courir
sur la page blanche ?
Tous ces poèmes dont j’ai entendu le chant
et que je n’ai pas su chanter…
Toutes ces fleurs dont j’ai deviné le parfum
et que je n’ai pas su cueillir…
Dans ma poèmeraie,
je garde cette page,
vierge de mes pensées,
vierge de tout labour,
En symbole indicible
des poèmes sans vie…
Janvier 1951
Publié dans
« L’ÉTRAVE » N°222 _ Avril 2012
« L’EMPREINTE ORANGE » N°149 – Automne 2012
LA GRAINE ET LA SOURCE
(poème à deux voix)
À René Violaines,
amical hommage,
– Fermer les yeux…
– Rentrer dans la nuit de la terre…
– Et laisser germer le poème…
– A la chaleur du rêve…
– Puis éclater comme la graine…
– Chanter comme la source…
– Ouvrir les yeux…
– Scintiller à la lumière…
– Laisser bourgeonner les mots…
– Laisser couler le poème…
– Déplier ses feuilles…
– Répandre ses eaux…
– Grandir sous le vent…
– Parcourir la plaine…
– Et devenir l’arbre…
– Devenir le fleuve…
16 février 1953
Publié dans
« LE DÉVORANT » N°249 – Septembre-Octobre 2011
POUR VIVRE CENT ANS
Au maître Georges Duhamel, en gage de reconnaissance et
d’admiration.
Je suis celui
qui va tout droit
vers le soleil,
Et mon ombre
peut se traîner,
courte ou longue,
s’accrocher
aux aspérités du chemin,
Mon ombre ne pourra
jamais me précéder,
car j’avance vers le soleil !…
Me voici le front en avant,
les yeux droits,
la démarche sûre,
Je suis né pour vivre cent ans !…
Et l’orage peut
lancer des éclairs,
tenter de m’aveugler :
Ses lueurs me réjouiront !
Et la pluie peut couvrir
mon visage de larmes :
Ses larmes ne seront
jamais mes larmes !
Je suis né pour vivre cent ans
sous les caresses du soleil !…
23 mars 1953
Publié dans « ART et POÉSIE » N°218 – 2ème trimestre 2012
ANNEXES
POÉSIE
53ème ANNÉE N°215 – 3ème trimestre 2011
MES LECTURES par Henry MEILLANT
Le Cap des Trente, poèmes de Max-Firmin LECLERC
(Editions Plénitude)
L’auteur, poète, pamphlétaire, réalisateur à l’ORTF, publie (enfin !) des poèmes écrits dans les années 45/50. Disons tout de suite que des recueils précédents obtinrent les éloges de certains de nos grands écrivains :
Georges Duhamel, Jean Giono, Professeur Henri Mondor, Wilfrid Lucas, etc…
Nouveau venu à la SPAF, il y fait donc une entrée remarquable et remarquée.
Comme moi – même génération – il a été fort meurtri par les années de la seconde guerre mondiale. Certains de ses poèmes en témoignent durement.
Princes, si vous aimez la guerre,
Vous êtes libres de vos goûts,
Mais nous ne voulons pas la faire :
Battez-vous plutôt entre vous. (Ballade aux princes)
Non ! Pas de sentiment ! Pas de joie ! Pas de peine !
Non ! Rien que du dégoût ! (Devant des cadavres de SS)
Ou célèbrent la Libération par les Alliés :
Soyez les bienvenus ! Et du fond de notre âme,
Recevez ce merci !
Heureusement qu’il n’a pas tenu « certaine promesse » quand il écrivait :
Ne regarde pas le passé,
Ne reviens jamais en arrière !
Laisse dormir sous la poussière
Tout ce que le temps a glacé.
Mais ce n’est pas le cas de ses poèmes ! Il ne s’attarde pas que sur les souffrances. Il sait évoquer « L’aube » et « La Pluie sur le Rhin », plus intimiste « L’horloge »…
L’indolent et lourd balancier
Berce minute après seconde…
Un lambeau d’écorce d’orange
Serti dans le couchant de fer
Se gonfle, s’étire, s’effrange,
Un lambeau d’écorce d’orange…
A petits coups, l’hiver cisèle
Ses arbres de charbon noueux…
L’arbre effeuillé, transi, telle une main qui prie…
Que dire de la forme ? Comme les vrais poètes, il est aussi à l’aise dans les vers classiques dont il respecte parfaitement la règle que dans les Vers libres…
Bienvenue à la Société des Poètes et Artistes de France, car avec ce recueil, Max-Firmin Leclerc nous fait espérer les suivants et fera mentir la dernière strophe de « Semeur d’étoiles » :
Là vous sèmerez mes regrets
De ne pas avoir réussi
A devenir même un seul jour,
Un poète-semeur d’étoiles !
ADAMANTANE.NET RECENSIONS 2011
Le Cap des Trente (Editions Plénitude)
par Georges FRIEDENKRAFT
Max-Firmin Leclerc a été un des pionniers de la télévision, auteur de multiples émissions, mais aussi réalisateur du journal télévisé de 1963 à 1969.
Ecrivain aussi, auteur de contes publiés jadis dans le grand quotidien « L’Aurore », d’un roman-pamphlet « La République du Mépris », qui relate les vicissitudes de l’ex-ORTF, Max-Firmin Leclerc eut une vie bien remplie et qui l’empêcha de se préoccuper de la publication de ce recueil, pourtant couronné en 1954 d’un prix de poésie, le prix champenois Enguerrand Homps. Le voici donc, enfin publié, par un écrivain pour qui, selon les termes de sa préface…
L’heure du départ va bientôt sonner
et qui retrouve dans le miroir de l’écriture, le jeune homme qu’il était à trente ans :
Voici le cap des Trente,
Trente ans, vieux capitaine,
Trente ans de bourlingage
Et je n’ai pas sombré, (p.15)
Le jeune homme est issu de la triste période de la guerre, dont les premiers poèmes portent les stigmates :
Mon pauvre Adolf Hitler, elle approche ta fin ! :
Camarade Staline a lancé du Kremlin
Ses hordes de guerriers pour l’assaut bolchevique…
(Rondeau pour un malheureux crétin, p.19)
Ou encore :
…Les yeux hagards, les plaies béantes et noirâtres…
…Voilà donc les seigneurs, la race des élus ?
(Devant des cadavres de S.S. p.28)
On bascule ensuite dans un humour plus gai et plus proche de la dérision avec la fable des deux ours échappés d’une ménagerie d’Allemagne, dont le plus jeune, qui file en Forêt noire, manque de mourir de faim, alors que le plus vieux, qui reste à Baden-Baden, devient
…joufflu, grassouillet, poil luisant… (p.31)
…Mon cher, tous les matins, je mange un colonel !
(Les deux ours p.31)
La seconde partie du recueil, datée d’après guerre, fait une large place à la nature, aux impressions bucoliques, à l’aube, à l’horizon, aux paysages, aux arbres…C’est probablement la partie la plus poignante :
…A petits coups l’hiver cisèle
Ses arbres de charbon noueux
Sur un ciel piqué de dentelle…
(Paysage d’hiver, p.46)
Sur le plan de style, les poèmes plongent clairement leurs racines dans un néo-classicisme aux harmonies verlainiennes :
Par exemple –
Au printemps, un tapis d’anémones violettes
Recouvrait son sol roux taché de cailloux gris,
Ça et là, un buisson voulait montrer sa tête…
(Mon plateau, )
Ou encore :
Ne regarde pas le passé !
Ne reviens jamais en arrière !
Laisse dormir sous la poussière
Tout ce que le temps a glacé.
(Ne regarde pas le passé, p.33)
Ou enfin :
Tournent les ailes des moulins,
Il flotte une senteur marine
Dans le grand ciel d’émeraldine.
(Impressions hollandaises, p.35)
Les derniers poèmes se révèlent, dans le fond comme dans la forme, plus libres et se rapprochent de l’écriture de beaucoup d’auteurs contemporains :
…Pâteux, le sang du soleil
Vient de sourdre
Et de se figer dans un rire
Sur la lèvre de la crevasse.
(Neige sur la ville, p.56)
Un bel ensemble qui,
…au Cap des trois fois trente (p.66)
avec bonheur, nous révèle un poète digne de la plus grande estime.
*****
Vital Heurtebize,
Président de la Société des Poètes Français et de Poètes sans frontières :
« Vous êtes poète-vrai. Vous avez votre écriture pour dire votre être intérieur avec humour, avec un certain ton caustique parfois et toujours avec une grande sensibilité.
J’aime votre poésie et je le redis.››