Sortis d’Usine
(Annie Massy)
Un livre particulier pour Annie Massy
Ce livre occupe une place particulière dans la vie et l’œuvre d’Annie Massy. D’une part c’est le premier roman qu’elle a écrit et réécrit plusieurs fois avant de trouver la formule qui lui convient et qui rend le récit le plus intensément. D’autre part, c’est un très rare exemple de livre inspiré par sa vie. C’est une sorte d’autofiction qui reconstruit un épisode de son passé qu’elle a vécu à travers d’autres personnes mais qui l’ont fortement marquée, l’obligeant à quitter le Nord (Hauts-de-France actuellement) auquel elle était très attachée.
À l’origine, ce roman social est né d’un traumatisme de l’autrice lorsqu’elle a appris le suicide d’un ouvrier de sa connaissance qui ne supportait pas l’idée de ne plus travailler. C’est Jean dans le livre. (Pour l’anecdote, son épouse, employée de bureau, avait taper son mémoire de maitrise !) Il recrée le monde ouvrier des années 1960-78 avec sa force mais aussi ses côtés noirs et la vie tantôt supportable, tantôt insoutenable. C’est aussi l’histoire du père d’Annie Massy qui inspire fortement le personnage de Manson. Les autres protagonistes sont le regroupement de plusieurs personnalités et il ne faut pas y chercher à retrouver quelqu’un en particulier. Quant au narrateur, Daniel, il est inventé de toute pièce pour créer le lien entre une galerie de portaits et une série d’actions tumultueuse.
Annie Massy reconstruit la vie et l’atmosphère d’une petite ville du Nord de la France où ferme une usine de la métallurgie. Le récit se situe en 1976 et 1977 au moment où s’approchent les élections législatives qui risquent pour la première fois depuis près d’un demi siècle, de porter la gauche au pouvoir. Le pays est alors secoué par de nombreuses manifestations envenimées par une crise économique qui fait fermer les entreprises et pousse au chômage des centaines de milliers d’ouvriers.
Là, il est question d’une usine qui emploie cinq-cents personnes qui se etrouvent confrontées à une situation inconnue pour elles : le risque du chômage, dans une société et une époque qui considère encore que le non travailleur est un incapable ou un fainéant. Annie Massy s’est attachée au drame de ces hommes (peu de femmes dans ce roman, ce qui peut surprendre le lecteur contemporain) qui ont toujous vécu par leur travail et n’ont pas été préparés à l’idée de le perdre. L’effondrement de leur univers les contraint à se révéler : ils découvrent leur force ou leur faiblesse, leur sublime ou leur médiocrité, leur volonté de lutter ou leur abandon au désespoir.
Références :
Sortis d’Usine est paru en roman feuilleton sous une forme allégée, dans l’habdomadaire local l’Affranchi de Chaumont, en 1985. Il a été ensuite édité de façon artisanale et imparfaite mais néanmoins la réaction des lecteurs a été très positive. Annie Massy en a encore quelques exemplaires mais ne cherche pas à les diffuser. Par contre, il n’est pas exclu qu’une nouvelle formule réapparaisse un jour : toujours le même fonds mais une struture à nouveau remaniée avec l’expérience littéraire de l’autrice.