DIDEROT Denis (1713 – 1784)

 

                                Sommaire

(Page restaurée à partir des archives de l’AHME, par Annie Massy)

I – Lieux haut-marnais associés à Diderot
II – Eléments de biographie en lien avec la Haute-Marne
III – Oeuvre
a) Son oeuvre
b) Les Langrois vus par Diderot
c) Voyage à Bourbonne
IV – Pour continuer cette rencontre haut-marnaise avec Diderot

• I – Lieux associés

I – Langres :

– Collège des Jésuites : cependant, les bâtiments actuels ont été entièrement reconstruits après l’incendie de 1746
– Cathédrale et à proximité, statue de Diderot
– Musée : certificat décerné par le père Couder et les prix de vers latins et de version latine, obtenus par Diderot lors de ses études au collège des Jésuites.
– Les vieilles rues du centre pour se plonger dans l’atmosphère de son époque

II- Cirey-sur-Blaise :

     Dans le château de madame du Châtelet et où vécut Voltaire, on peut voir une Encyclopédie entière avec tous ses volumes.

III- Nogent :

     Musée de la coutellerie en souvenir des origines de Diderot

      Retours incontournables et succincts sur sa vie hors de Langres : en 1755, dans un salon, il rencontre Sophie Volland, un amour puis une amitié qui dure jusqu’à sa mort et produit une abondante et passionnante correspondance. Durant sa vie, il a compté de nombreuses amitiés célèbres : Rousseau, le mathématicien D’Alembert, les frères Grimm… il a des protecteurs puissants (même s’il n’évite pas l’emprisonnement après sa Lettre aux Aveugles… ) : madame de Pompadour, Catherine II de Russie. Mais, rappelons-le, le sujet n’est pas, ici, de retracer son parcours de notoriété publique.

       En 1773, seul et désemparé par le mariage de sa fille, il se rend à Saint-Pétersbourg et rencontre Catherine II de Russie. La tsarine lui a acheté sa bibliothèque en viager ce qui permet au philosophe de vivre et d’écrire sans souci financier jusqu’à la fin de sa vie. Il a à cœur, cependant d’acheter des manuscrits très intéressants avec une partie de ces revenus. Après sa mort, sa collection rare, précieuse et intelligemment constituée, est acheminée vers Saint-Pétersbourg et sert de base à ce qui est aujourd’hui la bibliothèque nationale de ce pays : c’est donc à un Langrois d’origine que l’on doit la création d’une des plus magnifiques bibliothèques du monde.

       Quant à ses liens avec sa famille langroise, ils se limitent à sa sœur Denise. Denis Diderot a rompu avec son frère Didier-Pierre : on peut comprendre les motifs de querelle entre les deux frères, l’un étant chanoine et l’autre philosophe matérialiste aux écrits souvent sulfureux.

     Frappé d’apoplexie en février 1784, Diderot meurt le 31 juillet. Sa ville natale lui avait rendu hommage auparavant, le 30 avril 1781, à l’occasion de la réception de son buste par Houdon. Par la suite, elle l’oublie quelque peu, jusqu’à l’érection de la statue de Bartholdi sur la place principale de la ville (1884). Il aura donc fallu attendre plus d’un siècle pour que les Langrois commencent à s’intéresser vraiment à la pensée de Diderot.

 

 • II – Élements de biographie (En lien avec la Haute-Marne)

      (Étant donné la célébrité de Diderot, on s’en tient, ou du moins on met en avant, dans ce qui suit, ce qui rattache le philosophe à son lieu de naissance.)

     Denis Diderot est issu de la petite bourgeoisie aisée langroise. Langres est alors un évêché puissant et la famille Diderot compte plusieurs vocations : Denis a un oncle chanoine, un frère prêtre et une sœur religieuse. Fils aîné du maître coutelier Didier Diderot et d’Angélique Vigneron, il vient au monde le 5 octobre 1713 et selon la coutume, est baptisé très vite, dès le lendemain en l’église Saint-Pierre. Il a six frères et sœurs dont deux seulement survivront.
     Destiné par ses parents, lui-même à la prêtrise, il fréquente le collège des Jésuites (entre 1723 et 1728), à l’entière satisfaction de ses maîtres. Clerc tonsuré à treize ans, le 22 août 1726, le jeune élève ne peut cependant pas succéder à son oncle Didier Vigneron à la stalle canoniale de la cathédrale, en 1728. Pour des motifs obscurs (brouille avec ses maîtres jésuites ou avec sa famille ?) il part à Paris pour y faire ses Humanités et apprendre la philosophie. Il s’installe dans la capitale où il ne montre guère d’affinités avec l’église. Il y mène une vie aussi libre que précaire.

      Ses voyages à Langres sont rares En décembre 1742 il vient pour obtenir de son père le consentement à son mariage avec une lingère, Anne-Toinette Champion. Il se heurte à un refus et il est enfermé dans un couvent (sans doute celui des Carmes) : les pères de l’ancien régime ont tout pouvoir sur les enfants, quel que soit leur âge ! Denis réussit à s’en échapper, regagne la capitale où il se cache. Le 6 novembre 1743, il épouse secrètement sa bien-aimée. Sans doute revient-il à Langres en 1752 pour réconcilier son père et sa femme. De cette union, pas très heureuse, naissent quatre enfants dont seule une fille, Marie-Angélique, survit. Sa vie professionnelle, du fait de son nouvel état d’homme marié, est plus régulière.
     En 1754, il séjourne chez son père. En 1759, il y vient régler avec son frère et sa sœur la succession paternelle.
     En août-septembre 1770, il vient préparer le mariage de sa fille Marie-Angélique avec monsieur de Caroillon (il est célébré le 9 septembre 1772). À cette occasion, il se rend à Bourbonne.

 • III – a) Son Œuvre


       L’œuvre de Denis Diderot est impressionnante : des ouvrages libertins comme Les Bijoux indiscrets ; sulfureux encore, mais avec des réflexions philosophiques comme Supplément au Voyage de Bougainville ou clairement anti-cléricaux comme La Religieuse…Diderot est un critique d’art, un romancier, un conteur, un auteur politique, un traducteur… Cependant on retient généralement de lui sa collaboration avec d’Alembert pour la monumentale et prestigieuse Encyclopédie.

      On peut trouver cependant, dans une partie de cette œuvre, l’influence de ses origines. Son côté anticlérical n’est pas sans lien avec la forte pression de l’église qu’il a connue dans son enfance. La Religieuse notamment est inspirée d’une de ses sœurs, morte sous les ordres : Diderot y raconte, sur un mode pathétique, les malheurs d’une jeune fille désireuse de faire résilier ses vœux prononcés sous la contrainte de ses parents. Il y dénonce la cruauté et la perversion qu’implique l’isolement dans un milieu clos.
      Bourbonne lui inspire le titre d’un conte moral : Les Deux Amis de Bourbonne.

 • III – Les Langrois vus par Diderot


     Dans sa correspondance privée, on trouve des passages où il n’est pas tendre avec ses congénères de Langres et de Bourbonne.

      Ainsi, dans une lettre à Sophie Volland, datée du 11 août 1759 il décrit ainsi les Langrois auxquels il s’assimile clairement :
    « Les habitants de ce païs ont beaucoup d’esprit, trop de vivacité, une inconstance de girouettes. Cela vient, je crois, des vicissitudes de leur atmosphère qui passe en vingt-quatre heures du froid au chaud, du calme à l’orage, du serein au pluvieux ; il est impossible que ces effets ne se fassent sentir sur eux, et que leurs âmes soient quelque tems de suite dans une même assiette. Elles s’accoutument ainsi dès la plus tendre enfance à tourner à tout vent. La tête d’un langrois est sur ses épaules comme un coq d’église au haut d’un clocher. Elle n’est jamais fixe dans un point ; et si elle revient à celui qu’elle a quitté, ce n’est pas pour s’y arrêter. Avec une rapidité surprenante dans ses mouvements, dans ses désirs, dans les projets, dans les fantaisies, dans les idées, ils ont le parler lent.
Il n’y a peut-être que ma soeur dans toute la ville qui ait la prononciation brève.
      Pour moi, je suis de mon pays ; seulement le séjour de la capitale et l’application assidue m’ont un peu corrigé (=changé).»

Voyage à Langres, 1770
       « Les habitants de Langres ont de l’esprit, de l’éducation, de la gaieté, de la vivacité et le parler traînant. »
      » Ils ont des livres, ils lisent et ne produisent rien. »
      » Leur ville est bien murée. Ils ont la commodité, hiver et été, d’en faire le tour sous des remparts couverts. »
     » S’ils sablaient et fermaient l’entrée des voitures aux allées qui conduisent à l’endroit qu’ils appellent Blanche-Fontaine, ils auraient une des plus belles promenades qu’il y eût en aucune ville de province. »
     « C’est une fontaine couverte dont les eaux abondantes et saines remplissent une coquille, d’où elles tombent dans un canal qui les conduit à un premier, un second, un troisième bassin. Ces trois bassins sont placés à une assez grande hauteur les uns au-dessous des autres. Le dernier est entouré d’arbres, et il s’élève un jet d’eau de son milieu. Les autres sont couverts de vieux tilleuls plantés pêle-mêle. Le lieu est frais, ombragé, délicieux ; la vue en est romanesque ; c’est une longue chaîne de montagnes qui s’interrompt vers la droite, et laisse là une échappée illimitée ; entre les montagnes et la fontaine, ce sont des prairies et un ruisseau ; ce ruisseau baigne le pied de la prairie, et les montagnes recèlent par-ci par-là quelques maisons de campagne. C’est là, mon ami, s’il vous en souvient, que nous avons passé quelques heures, causant de vous, de moi, de ma bonne sœur, de mon bizarre frère ; nous rappelant ma fille et jetant un coup d’œil vers les douces amies que nous allions chercher. »

     « Je ne vous dis rien des édifices ; il n’y en a point de remarquables. En général les maisons, bâties d’une pierre dure du pays, en sont très solides. Le faste n’a point encore gagné l’intérieur qui ne se remarque que par une extrême propreté. « 

 • III – c) Voyage à Bourbonne, 1770


      « Il y a environ cinq-cents feux et trois mille habitants à Bourbonne. On prescrit à chaque malade un régime qu’il lui importe d’observer, de retour chez soi. Les malades y dépensent un année dans l’autre cinquante mille écus ; cependant les habitants sont pauvres. C’est que de ces cinquante mille écus, il y a plus de cent mille francs qui sortent du finage ; c’est que l’argent qui tombe dans un endroit ne l’enrichit point, lorsqu’il fait un bond pour aller trouver ailleurs les denrées de consommation ; ceux qui apportent à Bourbonne ces denrées s’en retournent avec l’argent des malades dans leur bourse. L’argent ne reste pas où il est déboursé. Les terres rapportent peu. Celles qui entourent les eaux ne sont pas la propriété du village qui est un lieu nouvellement fait. C’est cependant un gros marché à grains. Je ne m’en suis pas aperçu, parce qu’on ne vend point de grains, quand il n’y a point de grains. « 

    « … Les médecins d’eaux sont tous charlatans, et les habitants regardent les malades comme les Israélites regardaient la manne dans le désert. La vie et le logement y sont chers pour tout le monde, mais surtout pour les malades, oiseaux de passage dont il faut tirer parti. »

    « … Bourbonne, ainsi que tous les autres lieux où se rassemblent les malades, est une demeure triste le jour par la rencontre des malades ; la nuit par leur arrivée bruyante. »

     « … Bourbonne est situé dans un fond. Ceux qui s’y rendent de Paris ne l’aperçoivent que par l’extrémité du clocher de la paroisse qui perce au-dessus des montagnes, se montre et disparaît vingt fois, trompe le voyageur sur la distance et le fait donner au diable. »

     « … Le séjour est déplaisant : nulle promenade. Point de jardins publics. Point d’ombre dans la saison la plus chaude. Une atmosphère étouffante. Quand on en est sorti, il est rare qu’on y revienne. Si les habitants entendaient un peu leur intérêt, ils n’épargneraient rien pour l’embellir ; ils planteraient une promenade ; ils en décoreraient les sommets ; ils feraient un lieu dont le charme pût attirer même dans la santé. »

 • IV – Pour continuer cette rencontre haut-marnaise avec Diderot

   Vous pouvez aller lire la chronique littéraire d’Annie Massy, qui le concerne, sur ce site
  Vous pouvez joindre la bibliothèque de Langres avec le courriel suivant :
bibliotheque.arland@langres.fr